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La servante maîtresse
http://www.vocalises.net/spip.php?article200 http://www.vocalises.net/spip.php?article200 2008-09-17T09:32:49Z text/html fr Jean-Marc Pour faire suite aux recherches que je suis en train de faire pour voir ce que l'on pourrait monter comme oeuvre l'année prochaine à l'Opéra de Barie, je vous livre ici un article historique, puisqu'il date de 1862 en préface d'une vieille "Servante maîtresse" ... La révolution musicale dont la Servante Mailresse fut à la fois la cause et le signal, en fait à jamais une œuvre de haute importance ; et la date de sa première représentation sera toujours un (...) - <a href="http://www.vocalises.net/spip.php?rubrique12" rel="directory">Histoire</a> <img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L80xH79/arton200-3bcf2.jpg" alt="" align="right" width='80' height='79' class='spip_logos' style='height:79px;width:80px;' /> <div class='rss_texte'><p>Pour faire suite aux recherches que je suis en train de faire pour voir ce que l'on pourrait monter comme oeuvre l'année prochaine à <a href='http://www.operadebarie.com/' class='spip_out'>l'Opéra de Barie</a>, je vous livre ici un article historique, puisqu'il date de 1862 en préface d'une vieille "Servante maîtresse" ...</p> <p>La révolution musicale dont la Servante Mailresse fut à la fois la cause et le signal, en fait à jamais une œuvre de haute importance ; et la date de sa première représentation sera toujours un point unique dans l'histoire de l'art.</p> <p>L'aimable chef-d'oeuvre de Pergolèse est, en effet, le premier type d'opéra-comique introduit en France par les Italiens ; or on va voir comment nous avons profité de cette leçon de gaieté.<span class='spip_document_457 spip_documents spip_documents_right' style='float:right; width:400px;' > <img src='http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L400xH328/jpg_servantemaitresse-b2b49.jpg' width='400' height='328' alt="" style='height:328px;width:400px;' /></span></p> <p>Pour apprécier à sa juste valeur l'influence qu'a exercée sur notre génie musical l'exhibition de la Serva Padrona, il faut, avant tout, se faire une idée de l'état dans lequel se trouvait l'art vers le milieu du dix-huitième siècle. Le croirait-on ? à une époque si affolée de toutes les sensualités et où le plaisir tenait une place très-large dans la vie sociale, l'opéra bouffon était encore inconnu à Paris. Il existait bien aux foires Saint-Laurent et Saint-Germain plusieurs théâtres où se donnaient à profusion, et sous la rubrique d'opéras-comiques, de petites pièces grivoises entremêlées de couplets. Mais il ne faut pas s'y tromper, ces pasquinades plus ou moins échevelées usurpaient par avance un titre que ne pouvaient certes leur valoir les refrains populaires dont on les assaisonnait ; à peine pourrait-on comparer d'aussi grossières élucubrations à nos vaudevilles les plus élémentaires.</p> <p>D'un autre côté, on ne chantait guère à l'Opéra que sur le ton du lutrin. Hameau, qui passait alors pour avoir porté le dernier coup à la psalmodie de Lulli, procédait encore très-visiblement du vieux maitre quoiqu'il se soit montré plus indépendant et que ses travaux théoriques aient fait faire un grand pas à la science musicale.</p> <p>En tous cas il y avait un abîme entre l'auteur de Zoroastre et les maîtres italiens qui déjà savaient donner la tournure de leurs chants tant de vivacité, de grâce et d'esprit.</p> <p>Les choses en étaient là, quand une troupe de bouffons dirigée par le signor Bambini s'en vint jeter le trouble dans le paisible empire des sons. Ces chanteurs ambulants (si médiocres qu'ils étaient) avaient obtenu de donner à l'Opéra plusieurs représentations des intermèdes de Pergolèse. Ils débutèrent le 2 août 1752 par la Serva Padrona, que l'Italie applaudissait déjà depuis une vingtaine d'années.</p> <p>Ce fut comme un coup de foudre ;_et Laharpe le dit très-bien Il fallait une nouvelle musique pour qu'on en vint à examiner celle qu'on avait ou ce qu'on croyait avoir, et pour se demander enfin quelle était la raison de cet ennui qui régnait de plus en plus à l'Opéra, surtout pour ceux qui avaient passé l'âge d'y aller chercher autre chose qu'un spectacle.</p> <p>La musique des bouffons fit connaitre l'oreille un plaisir tout nouveau ; cette richesse, cette variété d'expression étaient bien le contraste des effets ordinaires de l'Opéra.</p> <p>Deux partis se formèrent aussitôt ; l'un qui tenait pour la musique italienne, l'autre qui avait entrepris de défendre la vieille psalmodie française.</p> <p>Jean-Jacques Rousseau, Grimm, tous les beaux esprits du temps, entrèrent dans la mêlée et les grands coups qu'ils frappèrent, l'un avec sa Lettre sur la musique française, l'autre avec son Petit prophète de boemichbroda ne firent qu'envenimer l'animosité des deux factions.</p> <p>Paris était dans un grand émoi, la lièvre de la discussion faisait tourner toutes les têtes. Les affaires de la politique même ne passionnaient plus personne, tant on dépensait d'ardeur dans cette bataille qu'on se livrait tous les matins à coups de brochures et tous les soirs- à coups d'épée sous les réverbères de la rue Saint-Honoré. (Le lecteur n'ignore pas en effet, que l'Opéra était alors attenant aux bâtiments du Palais-Royal et s'élevait sur ce qui fait aujourd'hui la partie méridionale de la rue de Valois).</p> <p>Le roi Louis XV, qui était du parti de la musique française, finit par beaucoup s'émouvoir de toute cette échauffourée. Il chercha longtemps un prétexte pour renvoyer les bouffons ; or comme il n'en trouva point, il leur ordonna purement et simplement de cesser leurs exercices.</p> <p>Voilà donc les italiens partis. Mais ils laissaient derrière eux comme une trace lumineuse que rien ne pouvait effacer. Nous leur devions la révélation de l'opéra-bouffe ; c'est-à-dire tout un art nouveau dont les beautés avaient pris pour la foule un relief singulier dans la dispute même dont elles avaient été l'objet. En effet, l'impression que produisirent la Serva Padrona, il Maestro di musica, la Finta cameriera et les sept ou huit opérettes qui composaient le répertoire du signor Bambini, cette impression, dis-je, ne fut pas seulement vive, elle fut durable.</p> <p>Les défenseurs du système français eurent beau crier et se démener, ils ne réussirent pas à résister au courant des idées nouvelles. Tous les jours ils perdaient du terrain, non pas de par les raisons articulées dans les écrits de leurs adversaires, mais bien en vertu de l'excellence même de la musique italienne.</p> <p>La Guerre des Bouffons ne fut donc pas une joute d'ergoteurs armés d'épigrammes plus ou moins aiguisées ; elle eut toute l'importance d'une véritable révolution, car elle fut la crise féconde dois sortit un progrès en dépit d'une routine.</p> <p>Ici intervient dans le drame un nouveau personnage dont on va bientôt juger l'importance. Il s'appelait Monet, et avait obtenu du roi le privilège des théâtres de la foire Saint-Laurent et de la foire Saint-Germain.</p> <p>Monet a laissé des mémoires ; et nous n'avons, ce nous semble, rien de mieux à faire que d'en détacher la curieuse page qu'on va lire et où se trouve tout au long le véritable acte de naissance de l'opéra-comique.</p> <p>« Après le départ des bouffons, sur ]e jugement impartial que des gens de goût avaient porté de leurs pièces, je conçus le projet d'en faire faire d'après le même patron par un musicien de notre nation. M. Dauvergne me parut le musicien le plus capable d'ouvrir avec succès cette carrière. Je lui en fis faire la proposition et il l'accepta. Je l'associai à M. Vadé et je leur indiquai simplement un sujet de La Fontaine. Le plan et la pièce des Troqueurs furent faits dans l'espace de quinze jours.</p> <p>Il fallait prévenir la cabale des bouffons. Les fanatiques de la musique italienne, toujours persuadés que les Français n'avaient pas de musique, n'auraient pas manqué de faire échouer mon projet. Donc de concert avec les deux auteurs, nous gardâmes le plus profond secret. Ensuite pour donner le change aux ennemis que je me préparais, je répandis et fis répandre que j'avais envoyé une pièce à Vienne, à un musicien italien qui savait le français et qui avait la plus grande envie d'essayer ses talents sur cette langue.</p> <p>Cette fausse nouvelle s'accrédita parmi les bouffonistes qui vinrent me complimenter sur l'acquisition que j'avais faite de ce bon auteur et me confirmèrent encore la grande supériorité de la musique italienne sur la nôtre. Aussi charmé de leur bonne foi que de l'heureuse tromperie que je venais de leur faire, je leur présentai M. Dauvergne comme le véritable Orphée de Vienne. »</p> <p>Les Troqueurs, de Vadé et de Dauvergne (premier opéra-comique français digne de ce nom), furent donnés à la foire Saint-Laurent, le 30 juillet 1753. En ce temps-là, vivait à Paris, pauvre et ignoré, un répétiteur du collège Louis-le-Grand, qui avait nom Pierre Baurans. Ce n'est pas que Baurans eût précisément abandonné sa place de substitut, au parlement de Toulouse pour venir dans la capitale enseigner le grec et le latin, mais la misère l'avait réduit à cette extrémité, et il patientait dans l'exercice de sa modeste profession, en attendant qu'il pût montrer ses talents de poète et de musicien.</p> <p>L'occasion tant cherchée était difficile à saisir ; pourtant Baurans s'était lié d'amitié avec Laruette et Mme Favart, alors toute-puissante à la Comédie-Italienne de la rue Mauconseil. D'autre part, il fréquentait Rousseau et les principaux chefs du parti bée foniste dont le rendez-vous ordinaire était au ce Procope. Ces circonstances réunies firent bientôt naître dans son esprit une idée alors si neuve qu'elle était tout à fait téméraire ; il imagina d'accommoder la Serva padrona à la scène française.</p> <p>Après deux mois d'un travail opiniâtre, la traduction du chef-d'oeuvre de Pergolèse se trouva prête à être représentée. Mais le pauvre poète était si timide, oi plutôt si modeste, que sans Mme Favart, qui lui força la main, il ne se serait peut-être jamais décidé à produire ses rimes devant le public.</p> <p>La Serva padrona, devenue la Servante maîtresse,fut donnée avec le plus grand succès, à la Comédie-Italienne, le 14 août 1754. Voici l'éloge qu'en firent Diderot et Grimm dans leur correspondance littéraire : Un nommé M. Baurans, — disent-ils, vient d'exécuter un projet dont le succès n'a pas été et ne peut être contesté ; il a entrepris une traduction presque littérale de la Serva padrona, en conservant la musique du sublime Pergolèse. On peut sentir l'extrême difficulté d'une pareille entreprise. Cet intermède est joué à la Comédie-Italienne, et tout Paris y court avec une espèce d'enthousiasme. Il est précédé d'un prologue en forme de pièce, de l'illustre M. de Chevrier. Celui-ci est intitulé la Campagne, et fourmille d'épigrammes à la façon légère et agréable de cet auteur. »</p> <p>Encouragé par la vogue qui s'attacha à la Servante maîtresse, Baurans traduisit et fit jouer quelque temps après : il Maestro di musica, du même maître. Mais bientôt il fut atteint de paralysie, et s'en alla mourir à Toulouse où il était né.</p> <p>— Le 12 août 1862, sous la direction de M. Perrin, la Servante maîtresse a été représentée et bien accueillie au théâtre de l'Opéra-Comique. Gourdin, Berthe-lier et Mme Galli-Marié, ont concouru au succès de cette curieuse exhibition en montrant, chacun dans son genre, un talent renforcé par beaucoup de zèle.</p> <p>La partition a été revue par M. Gevaert, qui a cru devoir y ajouter, en guise d'ouverture, un fragment de sonate de Scarlatti. M Gevaert a aussi, d'une main discrète autant que sûre, transporté au quatuor les accompagnements de clavecin destinés à soutenir le récitatif.</p> <p>— En résumé, on voit que c'est la Serva padrona qui a engendré les Troqueurs, ou, autrement que l'opéra-comique, — par la voie du pastiche, — est né chez nous de l'opéra-bouffe italien. De là l'intérêt qui s'attache à la reprise de la Servante maîtresse, cette aïeule vénérée de toute une lignée de chefs-d'oeuvre dont le dernier venu a si glorieusement nom Lalla-Rouck.</p> <p>ALBERT DE LASALLE.</p> <p>16 août 1862.</p></div>
La Fanciulla del west
http://www.vocalises.net/spip.php?article181 http://www.vocalises.net/spip.php?article181 2008-01-25T18:08:46Z text/html fr Jean-Marc Giacomo Puccini est sans aucun doute l'un des grands compositeurs de la charnière des XIXe et XXe siècles, et ses opéras sont régulièrement produits un peu partout dans le monde. Qui ne connaît pas La Bohème, Tosca ou Turandot ? Pourtant, certaines de ses oeuvres sont assez peu représentées. Parmi celles-ci, on peut citer "La Fanciulla del West" (La fille du Far West). Il ne s'agit pas d'une oeuvre de jeunesse, bien au contraire, puisque lorsqu'elle est créée le 10 (...) - <a href="http://www.vocalises.net/spip.php?rubrique12" rel="directory">Histoire</a> <img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L80xH80/arton181-e9a48.jpg" alt="" align="right" width='80' height='80' class='spip_logos' style='height:80px;width:80px;' /> <div class='rss_texte'><p>Giacomo Puccini est sans aucun doute l'un des grands compositeurs de la charnière des XIXe et XXe siècles, et ses opéras sont régulièrement produits un peu partout dans le monde. Qui ne connaît pas La Bohème, Tosca ou Turandot ? Pourtant, certaines de ses oeuvres sont assez peu représentées.</p> <p>Parmi celles-ci, on peut citer "La Fanciulla del West" (La fille du Far West). Il ne s'agit pas d'une oeuvre de jeunesse, bien au contraire, puisque lorsqu'elle est créée le 10 décembre 1910 au Metropolitan Opera de New York, l'auteur a déjà derrière lui 3 de ses opéras majeurs (La Bohème, Tosca et Butterfly). <span class='spip_document_433 spip_documents spip_documents_right' style='float:right; width:400px;' > <img src='http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L400xH326/jpg_fanciulla-del-westt-ce959.jpg' width='400' height='326' alt="" style='height:326px;width:400px;' /></span></p> <p><strong>LA GENESE DE L'OEUVRE</strong></p> <p>Lorsque Puccini se rendit en Amérique en 1907 pour assister aux répétitions et aux premières de ses opéras au Metropolitan, il était à la recherche d'un sujet nouveau pour sa prochaine oeuvre. Il eut alors l'occasion de parcourir plusieurs pièces de théâtre, dont "The Girl of the Golden West" de David Belasco. Belasco, auteur dramatique et scénariste de cinéma était également l'auteur de la pièce "Madame Butterfly" dont Puccini, enthousiasmé, avait déjà acquis les droits en 1901 après d'âpres tractations.</p> <p>A l'époque de son séjour à New York, l'un de ses librettistes habituels, Giuseppe Giacosa, était décédé. Puccini avait des rapports assez tendus avec le second, Luigi Illica. Cela le poussa à se tourner vers un nouveau collaborateur : Carlo Zangarini. Celui-ci n'écrit finalement que deux actes et Puccini dut à nouveau trouver de l'aide auprès d'une autre personne. Guelfo Civinini reprit donc entièrement le travail de son prédécesseur et acheva le livret, écrivant le 3eme acte en étroite collaboration avec le compositeur.</p> <p>Puccini termina la composition en juillet 1910 et traversa l'Atlantique pour assister à la première à New York, qui reçu un véritable triomphe.</p> <p>On peut penser tout avait été étudié pour obtenir un succès. Tout d'abord, il faut préciser cet opéra était une commande du Metropolitan. C'était la première fois que les américains montaient une première mondiale d'une telle importance et comptaient créer à cette occasion un événement retentissant.</p> <p>Impossible de savoir si Puccini avait reçu des directives mais pouvait-on trouver une création plus adaptée ? Un opéra spécialement écrit pour les Etats Unis, basé sur la pièce de théâtre d'un auteur américain et qui plus est, dotée d'un sujet spécifiquement américain : la Ruée vers l'Or de 1848 ! On peut supposer qu'après l'accueil houleux de Butterfly à la Scala (1904) Puccini souhaitait mettre toutes les chances de son côté pour démonter ce qu'il supposait être une cabale montée contre lui.</p> <p>Le but du Met était très certainement d'asseoir sa concurrence auprès des autres places européennes renommées. Les moyens très importants mis en oeuvre avaient déjà opéré une part non négligeable du travail, permettant de louer les services de -excusez du peu- Toscanini et Caruso. Nul doute, par ailleurs, qu'un pont d'or fut fait au compositeur pour s'assurer de son concours. Puccini décrit dans une de ses lettres la fastueuse "Suite Impériale" lui ayant été réservée, concluant sa lettre par un "Praise be to the Metropolitan" (loué soit le Metropolitan). Il exigea également une voiture du dernier modèle pour ses déplacements sur place ... et le montant de son cachet fut probablement à la hauteur de ces alléchants avantages en nature.</p> <p><strong>LES INTERPRETES</strong></p> <p>La création eu donc lieu sous la baguette de Toscanini, avec Caruso dans le rôle de Dick Johnson. Le rôle de Minnie était tenu par Emmy Destinn, l'une des grandes sopranos dramatiques de son temps, d'origine tchèque. A noter qu'elle avait déjà chanté avec Caruso, deux ans avant, lors de la première à Londres de Butterfly.</p> <p>Le rôle de Minnie est particulièrement exigeant et Brigit Nilsonn, qui fut également une grande soprano dramatique, le tient pour plus difficile encore que celui de Turandot : "Si Turandot évolue effectivement dans un registre très élevé, du moins reste-t-elle constamment dans l'aigu. Minnie, elle, chante souvent dans un registre grave des plus inconfortables et doit brusquement monter dans l'aigu. A force de monter et descendre, la voix a vite fait de s'épuiser."</p> <p>Rien d'étonnant alors, que beaucoup d'interprètes aient évité ce rôle, ou que celles qui s'y sont succédées n'aient pas toujours donné de grandes performances. Léontine Price (1961) jeta l'éponge après quelques représentations au Met. Callas ne chanta jamais le rôle : il est vrai que malgré ses succès dans "Tosca", elle déclarait haut et fort ne pas aimer la musique de Puccini, sa préférence allant au Bel Canto plus classique. Renata Tebaldi, enfin, n'aborda le rôle qu'à la fin de sa carrière en 69-70, toujours au Met.</p> <p>Deux chanteuses américaines, Eleanor Steber et Dorothy Kirsten, connurent un succès durable dans ce rôle. Carol Neblett, encore une américaine, tint le rôle dans les années 70 aux côtés de Placido Domingo, qui voyait en elle la Minnie idéale. Ce duo vit la renaissance de cette oeuvre, longtemps laissée de côté.</p> <p>Il ne nous reste malheureusement aucun document sonore permettant de juger la performance d'Emmy Destinn sur ce rôle délicat. Elle ne laisse derrière elle aucun enregistrement concernant "La Fanciulla del West". Néanmoins, des enregistrements d'autres oeuvres permettent de se rendre compte qu'elle fut une artiste d'exception.</p> <p><strong>UN SUCCES MITIGE</strong></p> <p>La première fut accueillie par un triomphe auprès du public. La critique, plus réservée, loua l'interprétation, mais l'oeuvre elle-même souleva quelques aigres commentaires.</p> <p>Les New-yorkais avaient commissionné Puccini dans un objectif spécifique et attendaient beaucoup de sa production : une première mondiale qui eut des retentissements en Europe. L'exotisme de Butterfly avait certainement participé à son grand succès. Puccini habilla donc cette nouvelle ambiance d'un généreux mélange de styles musicaux. Indiens, cow-boys, ragtime, grands espaces s'entremêlaient dans sa palette musicale. Il était fasciné par l'épopée du Far West et celle-ci était pour lui éminemment dépaysante. Malheureusement, la critique américaine vit les choses d'un autre oeil et lui reprocha des confusions culturelles grossières.</p> <p>Le compositeur aurait certainement du faire des recherches plus approfondies. L'emprunt d'une mélodie indienne pour le thème du musicien Jake Wallace -personnage historique ayant réellement existé- fut érigé en exemple. Un impresario aurait pourtant averti Puccini : "Lorsqu'apparaît un ménestrel noir dans La Fanciulla, on voit un homme de couleur jouer au banjo une étrange mélodie indienne au lieu d'un morceau de Ragtime. Cela sonne faux et n'est pas américain. Vous auriez du lui faire jouer 'Suwanee Ribber' ou 'Dixie' pour que cela sonne vrai."</p> <p>Puccini tenta de se défendre dans les journaux, mais ses arguments peu probants laissent supposer qu'il fut assez dérouté par cette rébellion "indigène".</p> <p><strong>UNE OEUVRE NEGLIGEE ?</strong></p> <p>Comme on l'a dit, la Fanciulla est assez peu représentée, du moins en Europe. Nous avons, depuis, tellement été abreuvés de westerns que le contexte -original à l'époque- se teinte aujourd'hui d'un certain kitsch. Ce contexte, plutôt daté, explique probablement que cette oeuvre soit surtout reprise aux Etats-Unis. Par ailleurs, l'étude des caractères est assez mince : on est loin par exemple de la profondeur psychologique de Tosca. Enfin, les difficultés d'exécutions du rôle titre sont un autre obstacle qui peuvent expliquer son peu de succès.</p> <p>La Fanciulla n'en reste pas moins une étonnante prouesse technique orchestrale de par sa capacité à rendre les atmosphères d'une façon magistrale. On y trouve aussi des inspirations étonnamment modernes : la mélodie qui accompagne le moment où Minnie reconnaît Dick Johnson -juste après son air "Laggiù nel Soledad"- a des accents littéralement Gershwiniens. L'opéra comporte en outre des airs superbes :</p> <p><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> "Minnie, dalla mia casa", Jack Rance (acte I) <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> "Laggiù nel Soledad", Minnie, (acte I) <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> "Or son sei mesi", Dick Johnson (acte II) <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> "Oh, se sapeste", Minnie (acte II) <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> "Basta uomo d'inferno !", Minnie, Jack Rance (acte III) <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> "Ch'ella mì creda libero", Dick Johnson (acte III)</p> <p>Une oeuvre à (re ?)découvrir, donc !</p> <p><strong>REFERENCES</strong></p> <p>Cet article s'appuie largement sur la Conférence du Pr Roger Parker (Gresham College) "Puccini and New York" 11/06/2007 <a href='http://www.gresham.ac.uk/event.asp?PageId=4&EventId=570' class='spip_out'>http://www.gresham.ac.uk/event.asp?PageId=4&EventId=570</a> </p> <p><strong>A écouter :</strong></p> <p>Emmy Destin : Complete Victor Recordings (1914-21) Label : Romophone</p> <p>La Fanciulla del West : Carol Neblett, Plàcido Domingo, Sherrill Milnes, Royal Opera House Chorus and Orchestra Covent Garden Dir. Zubin Mehta, Coll. The Originals, Deutsche Grammophon</p> <p><strong>A lire :</strong></p> <p>"Puccini and The Girl : History and Reception of The Girl of the Golden West" Annie J. Randall and Rosalind Gray Davis University Of Chicago Press (mars 2007)</p> <p>Contacter l'auteur : <a href='mailto:fabien.raynaut@free.fr' class='spip_mail'>fabien.raynaut@free.fr</a></p></div>
Opéra de Tours en danger
http://www.vocalises.net/spip.php?article170 http://www.vocalises.net/spip.php?article170 2007-11-10T16:47:10Z text/html fr Jean-Marc Bonjour à tous, Des amateurs d'Opéra de la région de Tours m'ont demandé de bien vouloir relayer l'information qui suit, composée d'un courrier envoyé aux abonnés du Grand Théâtre de Tours. Je n'ai pas trop pour habitude de publier ce genre d'article, mais je crois que l'information est sufisamment importante pour que l'on se mobilise ou en tous cas que l'on en débatte. Ci-dessous cette lettre que je vous livre et à droite (...) - <a href="http://www.vocalises.net/spip.php?rubrique12" rel="directory">Histoire</a> <img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L80xH81/arton170-f643b.jpg" alt="" align="right" width='80' height='81' class='spip_logos' style='height:81px;width:80px;' /> <div class='rss_texte'><p>Bonjour à tous,</p> <p>Des amateurs d'Opéra de la région de Tours m'ont demandé de bien vouloir relayer l'information qui suit, composée d'un courrier envoyé aux abonnés du Grand Théâtre de Tours.</p> <p>Je n'ai pas trop pour habitude de publier ce genre d'article, mais je crois que l'information est sufisamment importante pour que l'on se mobilise ou en tous cas que l'on en débatte.</p> <p>Ci-dessous cette lettre que je vous livre et à droite l'article publié dans la Nouvelle république ce jour :</p> <hr class="spip" /> <p>L'Opéra de Tours en danger ! <span class='spip_document_423 spip_documents spip_documents_right' style='float:right; width:400px;' > <img src='http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L400xH834/nouvelle-republique-3f1cc.gif' width='400' height='834' alt="" style='height:834px;width:400px;' /></span></p> <p>Chers abonnés, Cher public,</p> <p>L'Etat projette de supprimer la moitié, voire la totalité, des crédits alloués à certains Opéras régionaux et à certaines structures de spectacle vivant en France dès 2008. Pour ce qui concerne l'Opéra de Tours, il s'agirait d'une division par 2 de la subvention de l'Etat dès 2008, et de sa totale suppression envisagée à partir de 2009.</p> <p>Cette décision est lourde de conséquences pour une maison comme la nôtre, en particulier, elle entraînerait l'annulation de spectacles, dès 2008, et remettrait en cause à court terme l'existence même d'une structure lyrique à Tours. La situation est donc très grave. Les arbitrages budgétaires définitifs du Ministère de la Culture seront rendus début décembre 2007, mettant les collectivités locales et nous-même devant le fait accompli. Pour peser sur cette décision et éviter cette échéance dramatique, nous devons d'ici là nous mobiliser : ne restez pas sans voix face à ce qui s'annonce comme une atteinte sans précédent au spectacle vivant en France ! C'est le prélude à un désengagement annoncé de l'Etat et à un démantèlement de l'ensemble du paysage lyrique et culturel français. Parlez-en autour de vous, manifestez-vous auprès du Ministère de la Culture ou auprès de vos députés !</p> <p>Nous comptons sur votre soutien,</p> <p>Les équipes de l'Opéra de Tours</p> <p>PS :</p> <p>Jean-Yves Ossonce, directeur de l'Opéra de Tours, sera interviewé sur ce sujet dimanche 11 novembre à 13h30 dans la 1ère partie de l'émission d'Alain Duault sur RTL, consacrée à la musique classique (Classic Classique).</p></div>
Jacques Offenbach et ses oeuvres
http://www.vocalises.net/spip.php?article127 http://www.vocalises.net/spip.php?article127 2006-04-16T08:15:06Z text/html fr Jean-Marc Il est né à Cologne le 21 juin 1819 ; il faisait partie de la famille assez nombreuse d'un cantor de la synagogue de cette ville. portraiit-charge de Jacques Offenbach, par Th. Thomas On n'est pas très d'accord sur son nom et son origine, car les uns donnent au grand père le nom de Lévy, les autres celui d'Eberscht, et il est probable que celui d'Offenbach n'a d'autre raison d'être que la ville qu'il quitta pour s'installer à (...) - <a href="http://www.vocalises.net/spip.php?rubrique12" rel="directory">Histoire</a> <img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L80xH80/arton127-f69f6.jpg" alt="" align="right" width='80' height='80' class='spip_logos' style='height:80px;width:80px;' /> <div class='rss_texte'><p><span class='spip_document_296 spip_documents spip_documents_center' > <img src='http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L150xH51/logo-musica-9cf27.jpg' width='150' height='51' alt="" style='height:51px;width:150px;' /></span> Il est né à Cologne le 21 juin 1819 ; il faisait partie de la famille assez nombreuse d'un cantor de la synagogue de cette ville.</p> <dl class='spip_document_295 spip_documents spip_documents_right' style='float:right;'> <dt><img src='http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L250xH653/offenbach-caricature-web-2e56c.jpg' width='250' height='653' alt='JPEG - 24.6 ko' style='height:653px;width:250px;' /></dt> <dt class='spip_doc_titre' style='width:250px;'><strong>portraiit-charge de Jacques Offenbach, par Th. Thomas</strong></dt> </dl> <p>On n'est pas très d'accord sur son nom et son origine, car les uns donnent au grand père le nom de Lévy, les autres celui d'Eberscht, et il est probable que celui d'Offenbach n'a d'autre raison d'être que la ville qu'il quitta pour s'installer à Cologne. De toutes façons, notre Jacques Offenbach garda fort peu d'attaches à cette origine, car il partit très tôt pour la France, se fit plus tard naturaliser Français, fut entouré, à sa mort, des prières de l'Eglise ; enfin, il est considéré, même par les Allemands, comme un compositeur français.</p> <p>De sa période d'enfance à Cologne, nous avons un témoignage intéressant : celui d'Albert Wolf, son « pays », qui fréquentait chez les Offenbach. Il raconte que le père s'imposait les plus durs sacrifices pour faire apprendre le violoncelle à son fils, et décrit pittoresquement le jour où celui-ci revint de Paris avec une petite réputation grossie par l'éloignement.</p> <p>Cet esprit agité et remuant, fébrile en quelque sorte, qui caractérise surtout Offenbach, aussi bien dans sa vie que dans son oeuvre, avait déjà fait des siennes alors, à l'aube de sa carrière. Il était bien entré au Conservatoire, dans la classe du professeur Vaslin, pour y étudier le violoncelle. Mais il s'en était lassé. Au bout d'un an (1833-1834), il avait quitté l'établissement sans briguer le moindre suffrage du jury des examens. Du moins resta-t-il longtemps fidèle à son instrument : plus de vingt ans après, il ne refusait pas, dans quelque représentation à bénéfice, de paraître en public en virtuose du violoncelle. Ce n'est pas qu'il y fût de premier ordre, mais il n'y manquait pas d'originalité, au moins.</p> <p>En 1842 surtout, définitivement installé à Paris, on le trouve dans les concerts, dans les salons, partout, exécutant et composant ; les esprits chagrins estimaient toutefois qu'il abusait des tours de force et de la parodie. Il imitait non seulement le violon, mais la vielle et même la guimbarde ; il excitait l'enthousiasme par un certain effet de cornemuse, avec note dormante, étonnamment réussi. Comme compositions personnelles, on a gardé au moins les noms de ses duos pour deux violoncelles, de ses Chants du soir, six morceaux pour piano et violoncelle, de ses Voix mystérieuses, six mélodies vocales....</p> <p>Arsène Houssaye le mit le pied à l'étrier le jour où il lui offrit la direction de l'orchestre de la Comédie-Française (dont lui-même venait de prendre les rênes). C'était en 1847. Arsène Houssaye voulait remonter le Bourgeois gentilhomme et le Mariage de Figaro avec les danses et les chants de l'origine.</p> <p>L'Opéra prêta ses artistes, et les six violons qui composaient l'orchestre furent un peu renforcés... Mais quelle indignation dans le comité, et quel tapage précisément devant la nomination d'Offenbach ! Et puis tout s'arrangea, car Offenbach avait trop d'esprit pour ne pas plaire, et jusqu'en 1855 on le vit fidèle à son poste. Il l'honora même infiniment par la façon dont il mit en valeur les choeurs d'Ulysse ajoutés par Gounod à la tragédie de Ponsard, et qui lui survécurent sans peine.</p> <p>Cette période de la vie d'Offenbach n'est marquée, officielle ment, que par une série d'arrangements humoristiques des Fables de La Fontaine ( <strong> <i>la Cigale et la Fourmi</strong>, <strong>le Renard et le Corbeau</strong>, <strong><font color = red>le Savetier et le Financier</font></strong> </i>, etc), par sa <strong>chanson de Fortunio</strong>, très vite célèbre, qu'il avait écrite en 1848 pour les représentations du Chandelier (mais qui n'avait pu être chantée, faute de voix), enfin par les premières partitions qu'à grand-peine il réussit à faire admettre sur diverses scènes :<strong> <i> <font color = red>Pépito</font></i> </strong>, surtout, le 28 octobre 1853, aux Variétés, une jolie petite farce espagnole, qu'on trouva pittoresque, mais un peu ambitieuse pour la salle.</p> <p>C'est en juillet 1855 qu'Offenbach réalisa enfin son rêve : il obtint pour lui tout seul le privilège d'une petite salle aux Champs-Elysées ; il la baptisa lui-même ; il en fit l'ouverture avec ses propres ouvres, et les « <strong>Bouffes Parisiens</strong> » furent fondés. Le succès fut énorme. Que de bâtons pourtant dans les roues de son char ! Il ne pouvait jouer que des pièces en un acte et à deux ou trois personnages. Mais les interprètes étaient de premier ordre, et les pièces d'un comique irrésistible. Je regrette d'être obligé désormais d'entrer dans la voie de la chronologie pure, mais, si je m'arrêtais à chaque oeuvre nouvelle - et ce serait si amusant ! - le numéro entier de Musica n'y suffirait pas.</p> <p>Pour débuter, Offenbach offrait au public quatre pièces : Entre <strong> <i>Messieurs, Mesdames !</i> </strong> - <strong> <i><font color = red>Une Nuit blanche</font></i> </strong> ; <strong> <i><font color = red>les Deux Aveugles</font></i> </strong> ; <strong> <i>Arlequin barbier</i> </strong>. Cette dernière était le Barbier de Séville de Rossini arrangé en pantomime.</p> <p>Des <strong> <i><font color = red>Deux Aveugles</font></i> </strong>, rien à dire : c'est un des plus extravagants succès du genre. Berthelier et Pradeau en furent les créateurs, longtemps inoubliables. Mais passons.</p> <p>Quelques semaines après, deux oeuvrettes nouvelles : <strong> <i>le Rêve d'une Nuit d'été</i> </strong> et <strong> <i>Pierrot clown</i> </strong> ; puis une autre : <strong> <i>le Violoneux</i> </strong>, plus sérieuse et qu'on qualifia de « petit chef-d'oeuvre naturel et d'art, avec beaucoup d'esprit et beaucoup de coeur » ; enfin, <strong> <i>Madame Papillon et Périnette</i> </strong> .</p> <p>Mais déjà le succès, le suffrage des dilettanti les plus distingués avaient servi Offenbach. Il pouvait, pour l'hiver, viser un peu plus haut. Les derniers jours de l'année voient les Bouffes victorieusement installés dans cette salle qu'ils ont gardée dès lors, celle du Théâtre Comte, au passage Choiseul. Pour l'ouverture : <strong> <i><font color = red>Ba-ta-clan</font></i> </strong> seul était d'Offenbach. Mais il. se rattrapa en 1856.</p> <p>Sait on combien les Bouffes donnèrent, en leur première année, de premières représentations ? Vingt-deux, sans compter les reprises ! D'Offenbach, voici : <strong> <i>le Postillon en gage</i> </strong>, <strong> <i><font color = red>Tromb-al-ca-zar</font></i> </strong>, <strong> <i><font color = red>la Rose de Saint-Flour</font></i> </strong>, <strong> <i>les Dragées du baptême</i> </strong>, <strong> <i><font color = red>le 66 !</font></i> </strong> , <strong> <i><font color = red>le Savetier et le Financier</font></i> </strong>, <strong> <i><font color = red>la Bonne d'enfants</font></i> </strong>. Et les autres étaient- signées Delibes, Poise,... Mozart car Offenbach était très au courant des oeuvres anciennes ; il l'avait fort bien montré dans une série d'articles écrits pour l'Artiste où il exaltait Weber et Mozart, et soutenait de son mieux Berlioz.</p> <p>En 1857, nouvelle série : <strong> <i><font color = red>les Trois Baisers du Diable</font></i> </strong>, <strong> <i><font color = red>Croquefer ou le Dernier des Paladins</font></i> </strong>, <strong> <i><font color = red>Dragonette</font></i> </strong>, <strong> <i><font color = red>Vent du soir ou l'Horrible festin</font></i> </strong>. <strong> <i><font color = red>Une demoiselle en loterie</font></i> </strong>, <strong> <i><font color = red>le Mariage aux lanternes</font></i> </strong>, <strong> <i><font color = red>les Deux Pêcheurs</font></i> </strong>, <strong> <i>les Petits Prodiges</i> </strong> : rien que huit pour une année ! Et nous voici en 1858, c'est-à-dire arrivés à cet extraordinaire <strong> <i><font color = green>Orphée aux enfers</font></i> </strong>, pour lequel les aristarques se mirent en frais de foudres indignées, et qui fit la joie du monde entier.</p> <p>Deux autres partitions l'avaient précédé <strong> <i><font color = red>Mesdames de la Halle</font></i> </strong> et la <strong> <i><font color = red>Chatte métamorphosée en femme</font></i> </strong>. Quant à Orphée, tout de suite Offenbach en élargit le cadre, le nourrit de pages nouvelles, et l'on sait l'ampleur que l'oeuvre prit par la suite sur d'autres scènes.</p> <p>En i859, voici <strong> <i><font color = red>Un mari à la porte</font></i> </strong> et <strong> <i>les Vivandières de la Grande Armée</i> </strong>, <strong> <i>deux bluettes</i> </strong>, en attendant cette <strong> <i><font color = green>Geneviève de Brabant</font></i> </strong> qu'on vient de nous rendre, mais qui était alors bien différente de celle que nous connaissons.</p> <p>En 1860, <strong> <i>le Carnaval des revues</i> </strong>, <strong> <i><font color = red>Daphnée Chloé</font></i> </strong>, et en même temps, à l'Opéra-Comique, <strong> <i>Barkouf</i> </strong> (un peu dépaysé), et, à l'Opéra, <strong> <i>le Papillon</i> </strong>, un ballet très piquant (dont on vous dira qu'il fut un four, mais qui n'eut pas moins de quarante et une représentations). En 1861, <strong> <i><font color = red>la Chanson de Fortunio</font></i>,</strong> cette perle fine, <strong> <i><font color = green>le Pont des soupirs</font></i> </strong> , cette inénarrable bouffonnerie, plus tard corsée à son tour de pages nouvelles, <strong> <i><font color = red>Monsieur Choufleuri restera chef lui</font></i> </strong> (la très cocasse fantaisie du duc de Morny), <strong> <i><font color = red>Apothicaire et Perruquier</font></i> </strong> , <strong> <i>le Roman comique</i> </strong> .</p> <p>En 1862, <strong> <i><font color = red>Monsieur et Madame Denis</font></i> </strong> , le <strong> <i><font color = green>Voyage de MM. Dunanan père et fils</font></i>,</strong> et en 1863 <strong> <i><font color = green>les Bavards</font></i> </strong> .</p> <p>Mais dans cette période il faut compter aussi les tournées en Angleterre et en Allemagne qu'Offenbach faisait avec sa troupe... et des pièces nouvelles. A Ems, par exemple, où il donna, en cette année 1863, <strong> <i><font color = red>Il signor Fagotto</font></i> </strong> , et le charmant <strong> <i><font color = red>Lischen et Fritchen</font></i> </strong> , qui est du meilleur de sa verve spirituelle. C'est encore à Ems, en 1864, que paraissent d'abord <strong> <i><font color = red>le Fifre enchanté</font></i> </strong> et <strong> <i><font color = red>Jeanne qui pleure et Jean qui rit</font></i> </strong>, et, à Vienne,, la <strong> <i>Fée du Rhin</i> </strong> ; mais les Bouffes ont pour eux <i> <strong><font color = green>les Géorgiennes</font></strong> </i>, et surtout les Variétés <i> <strong><font color = green>la belle Hélène</font></strong> </i> , chef-d'oeuvre du genre.</p> <p>Puis, avec 1865, voici <strong> <i>Coscoletto</i> </strong>, à Ems, et <strong> <i><font color = green>les Bergers</font></i> </strong>, aux Bouffes. Avec 1866, <i> <strong><font color = green>Barbe bleue</font></strong> </i>, aux Variétés, et <strong> <i><font color = blue>la Vie Parisienne</font></i> </strong>, au Palais-Royal. - C'est encore aux Variétés que parut, en 1867, cette formidable caricature : <strong> <i><font color = green>la Grande-Duchesse de Gérolstein</font></i> </strong>, qu'on devrait bien rendre à notre génération actuelle ; tandis que l'Opéra Comique accueillait <strong><font color = green>Robinson Crusoe</font></strong>, et qu'Ems fêtait <i> <strong><font color = red>la Permission de dix heures</font></strong> </i>, <strong> <i>bluette charmante</i> </strong>, et <i> <strong><font color = red>la Leçon de chant electromagnétique</font></strong> </i>.</p> <p>Même feu d'artifice éblouissant en 1868 : aux Variétés, <i> <strong><font color = green>la Périchole</font></strong> </i>, encore un chef-d'oeuvre, agrandi plus tard ; au Palais-Royal, <i> <strong><font color = green>le Château à Toto</font></strong> </i>. ; aux Bouffes, <i> <strong><font color = red>l'Ile de Tulipatan</font></strong> </i>. En 1869, à Bade d'abord, <i> <strong><font color = green>la Princesse de Trebizonde</font></strong> </i> ; à l'Opéra Comique,<strong> <i> <font color = green>Vert-Vert</font></i> </strong> ; aux Variétés, <strong> <i><font color = green>les Brigands</font></i> </strong>, autre oeuvre-type, impérissable en vérité, comme musique et comme pièce ; aux Bouffes, <strong> <i><font color = green>la Diva et la Romance de la rose</font></i> </strong>, et un peu plus tard (1871) <strong> <i><font color = green>Boule de neige</font></i> </strong>.</p> <p>Cependant Offenbach éprouvait le besoin de re prendre une direction de théâtre. La Gaîté s'offrit ; il s'en empara en 1872, et fit reparaître, sur un pied plus somptueux, mainte oeuvre précédente, sans ralentir la production des nouvelles, soit chez lui, soit sur d'autres scènes. De ces années datent, en 1872 : <strong> <i><font color = blue>le Roi Carotte</font></i> </strong> (Gaîté), <strong> <i><font color = red>Fleurette et le Corsaire noir</font></i> </strong>(Vienne), <strong> <i><font color = green>Fantasio</font></i> </strong> (Opéra-Comique) ; en 1873 : <strong> <i><font color = green>les Braconniers</font></i> </strong> (Variétés), <strong> <i><font color = red>Pomme d'api</font></i> </strong> (Bouffes), <strong> <i><font color = green>la Jolie Parfumeuse</font></i> </strong> (Renaissance) ; en 1874 :<strong> <i><font color = red>Bagatelle</font></i> </strong> et <strong> <i><font color = green>Madame l'Archiduc</font></i> </strong> (Bouffes) ; en 1875 : <strong> <i><font color = blue>Whitlington et son chat</font></i> </strong> (Londres), les <strong> <i><font color = green>Hannetons et la Créole</font></i> </strong> (Bouffes), <strong> <i><font color = green>la Boulangère a des écus</font></i> </strong> (Variétés), <strong> <i><font color = blue>le Voyage à la Lune</font></i> </strong> (Gaîté), à la suite de quoi Offenbach passa la main à Vizentini et partit pour cette tournée de concerts à Philadelphie et dans d'autres villes d'Amérique dont il rapporta ses Notes d'un musicien en voyage, parues en 1877 (et où il est question de tout, sauf de sa musique).</p> <p>Mais ni la fatigue de ce voyage, ni celle de l'âge ne ralentirent sa verve productrice, et il faut encore enregistrer : en 1876, <strong> <i><font color = red>Pierrette et Jacquot</font></i> </strong>, ainsi que <strong> <i><font color = blue> la Boîte au lait</font></i> </strong> (Bouffes) ; en 1877, le <strong> <i><font color = green>Docteur Ox</font></i> </strong> (Variétés) et <strong> <i><font color = green>la Foire Saint-Laurent</font></i> </strong> (Folies. Dramatiques) ; en 1878, <strong> <i><font color = green>Maître Pétronille</font></i> </strong> (Bouffes) et <strong> <i><font color = green>Madame Favart</font></i> </strong> (Folies-Dramtiques) ; en 1879, <strong> <i><font color = green>la Marocaine</font></i> </strong> (Bouffes) et <strong> <i><font color = green>la Fille du tambour-major</font></i> </strong> (Folies-Dramatiques).</p> <p>Mais si sa fantaisie n'avait rien perdu de sa vivacité, si même elle s'affinait et rêvait de plus en plus le retour au vrai opéra-comique (pour lequel en somme il était si bien fait), Offenbach se sentait de plus en plus menacé par des attaques répétées de goutte, que rien ne put en rayer. Fébrilement il mettait la main à ses dernières oeuvres, il pressait surtout Carvalho de commencer les répétitions de celle qui lui tenait le plus au coeur : ses <strong> <i><font color = blue>Contes d'Hoffmann</font></i> </strong>... ; <strong> <i><font color = green>la Fille du tambour-major</font></i> </strong>, cette partition est la dernière qu'il put voir en scène : le 5 octobre 1880, il s'éteignait, et le 7 des obsèques solennelles aux accents de Faure, Talazac, Taskin,... lui rendaient un dernier hommage, à la Madeleine.</p> <p>Il laissait trois partitions, <strong> <i><font color = green>Belle Lurette</font></i> </strong>, à la Renaissance, quelques jours après sa mort, les Contes d'Hoffmann, à l'Opéra-Comique, en 1881, et <strong> <i><font color = red>Mademoiselle Moucheron</i> </font></strong>, à la Renaissance, la même année.</p> <p>Elles portent le total des oeuvres de théâtre d'Offenbach à 91, pour le moins, en 27 ans.</p> <p><i>Article publié en mai 1908 dans la revue Musica</i></p> <p>* <font color = green>En vert : Oeuvres en deux ou trois actes</font>, <font color = blue>En vert : Oeuvres en quatre ou cinq actes</font>, <font color = red> En rouge : Oeuvres en un acte</font></p> <p>Ces oeuvres sont disponibles au centre de documentation Jacques Offenbach</p></div>
Gounod musicien d'église
http://www.vocalises.net/spip.php?article126 http://www.vocalises.net/spip.php?article126 2006-04-12T15:04:00Z text/html fr Jean-Marc Ceux qui n'ont admiré Gounod que dans ses opéras célèbres, ne le connaissent que très insuffisamment. Autant, pour le moins, qu'un grand compositeur dramatique, il fut un grand maître de la musique d'église. Les aspirations mystiques de son caractère le prédisposaient à exceller dans cet art élevé. On a souvent dit que c'est cette face de son oeuvre qui le fera le plus éternellement glorieux devant l'avenir, et cela ne laisse point d'être (...) - <a href="http://www.vocalises.net/spip.php?rubrique12" rel="directory">Histoire</a> <img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L80xH80/arton126-42dd2.jpg" alt="" align="right" width='80' height='80' class='spip_logos' style='height:80px;width:80px;' /> <div class='rss_texte'><p><span class='spip_document_297 spip_documents spip_documents_center' > <img src='http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L150xH51/logo-musica-2-ae4c3.jpg' width='150' height='51' alt="" style='height:51px;width:150px;' /></span> Ceux qui n'ont admiré Gounod que dans ses opéras célèbres, ne le connaissent que très insuffisamment.</p> <p>Autant, pour le moins, qu'un grand compositeur dramatique, il fut un grand maître de la musique d'église. Les aspirations mystiques de son caractère le prédisposaient à exceller dans cet art élevé.</p> <p>On a souvent dit que c'est cette face de son oeuvre qui le fera le plus éternellement glorieux devant l'avenir, et cela ne laisse point d'être vraisemblable. L'éminent critique du Figaro, <strong>M. Robert Brussel</strong> apprécie, dans l'article suivant : <strong>Gounod musicien d'église</strong>.</p> <dl class='spip_document_294 spip_documents spip_documents_right' style='float:right;'> <dt><img src='http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L300xH388/gounod-cbd17.jpg' width='300' height='388' alt='JPEG - 23.1 ko' style='height:388px;width:300px;' /></dt> <dt class='spip_doc_titre' style='width:300px;'><strong>Gounod</strong></dt> </dl> <p>Lorsque Gounod mourut, Mr Camille Saint-Saëns exprima en une page de haute critique son opinion sur l'oeuvre de l'auteur de Faust. « Quand, de par la marche fatale du temps, dans un lointain avenir, les opéras de Gounod seront entrés pour toujours dans le sanctuaire poudreux des bibliothèques, connus des seuls érudits, la Messe de Sainte Cécile, Rédemption, Mors et Vita resteront sur la brèche, pour apprendre aux générations futures quel grand musicien illustrait la France au XIXI siècle ».</p> <p>C'est, en effet, dans ces derniers qu'il dépensa sinon le meilleur, du moins le plus pur de lui-même.</p> <p>Sa musique sacrée n'a point le caractère sec et discourtois des oeuvres qu'une scolastique, rigide et sans génie, a seule engendrée. Elle est avant tout musicale, et non point à la mode des compositeurs qui le precederent immédiatement : c'est a-dire plus sentimentale qu'expressive, plus larmoyante que réellement émue, plus mondaine que religieuse.</p> <p>La révolution qui se produisit grâce à lui dans la musique d'église porta, par la suite, des fruits excellents. Le génie seul pouvait apporter à cet art, vraiment trop rabaisse, un élément nouveau.</p> <p>A défaut du génie tout personnel qui devait dans la suite illustrer le nom de César Franck, Gounod infusa au moins à la musique d'église une vie nouvelle. Il avait déjà compose une Messe a grand orchestre exécutée a Saint-Eustache, celle-la même qui enthousiasmait le bon M. Poirson, son ancien proviseur au lycée Saint-Louis ; il avait déjà fait exécuter un Requiem a Vienne lorsqu'il connut Mendelssohn, grâce a sa sœur Mme Hensel.</p> <p>Peut-être est-ce a l'influence de ce compositeur, lequel remit Bach en honneur, qu'il faut attribuer l'orientation, de la musique d'église de Gounod. A coup sur, il n'y fut point indifférent : Mais ce qui est plus certain encore, c'est que c'est a Rome qu'il reçut l'impression qui devait décider du caractère de son oeuvre.</p> <p>C'est à la chapelle Sixtine, où il fréquentait en compagnie du peintre-Hebert, qu'il entendit pour la première fois les ouvrages liturgiques de Palestrina.</p> <p>L'écriture et la sonorité de ces monuments impérissables le frappèrent au plus haut point ; et il ne s'est, certes, jamais dégagé de cette impression, pas plus qu'il ne rompit le charme qui le liait au divin Mozart.</p> <p>L'oeuvre de Gounod n'est point d'un organiste ; elle est avant tout d'un musicien.</p> <p>Le court séjour qu'il fit aux Missions n'est qu'un incident sans portée dans sa vie. Il n'avait cédé qu'a grande peine aux sollicitations de 1'abbe Dumarsais : et encore n'avait-il accepte le poste d'organiste qu'a 1'expresse-condition d'y être son propre maître et d'être en quelque sorte le curé de la musique, qu'il se nommait être lui-même.</p> <p>Bien plus caractéristique est la crise de mysticisme qu'il subit sous l'influence du Père Lacordaire. I1 suivit meme les tours de Saint-Sulpice (it existe un portrait de lui ou, sur sa tete, se voit nettement la place d'une tonsure ; ce portrait est reproduit, a la page 110 du present numero : c'est le premier, à droite.)</p> <p>Dans l'histoire de son euvre, cette fiêvre, cette exaltation spirituelle qui se reproduisit plus tard en faveur des théories metaphysiques de Wronsky, est la source des plus précieuses indications. Plus tard encore, tandis qu'il ecrivait sa Messe de Sainte-Cecile, il lisait Saint-Augustin, et it faisait préceder sa partition de Mors et Vita, dediée au pape Leon XIII, d'une preface dont la philosophie est purement chrétienne. Chose plus curieuse encore, le seul reproche qu'ait adressé ce fidèle admirateur de Mozart a l'auteur de Don Juan, est celui de mondanité excessive dans le Requiem.</p> <p>Le cas semblera d'autant plus piquant que, malgrè les admirables modeles que Gounod s'etait proposés, ce n'est point par une austerité excessive que pêchent ses ceuvres sacrées. L'âme de Juliette y flotte quelque peu.</p> <p>Gounod n'a pas fait la divinité a l'image de la terreur : il I'imagine douce, tendre, et, par la, plus touchante et plus humaine. Mais ce que l'on ne saurait trop admirer, c'est l'effort qu'il a réalise contre le mauvais goût qui envahissait la musique d'église.</p> <p>Son oeuvre religieux est considérable : un Requiem (sans parler de celui auquel il mettait la dernière main quand il est mort). Une Messe à trois voix et orchestre (1841 et 1842), une Messe solennelle (1871), Messe de Sainte-Cecile (1882), Messe de Jeanne d'Arc (1887), une quatrième Messe solennelle (1888), deux Te Deum, Les Sept Paroles du Christ, Pater Nosfer, Ave Verum, Jesus sur le lac de Tiboriade, Stabat, Rédemption, Mors et Vita, Tobie, etc., etc.</p> <p>Il est probable que l'avenir ratifiera l'opinion de Camille Saint-Saëns.</p> <p>C'est dans ces oeuvres religieuses que se décèlera le plus fortement, pour les postérités, la grâce, la ferveur, la tendresse d'un des plus remarquables parmi les compositeurs qui ont illustre l'art musical.</p> <p>Aussi bien, si la réputation éternelle de Gounod devait être surtout celle d'un grand musicien d'église, n'aurait-il pas a se plaindre en sa postérité.</p> <p>Ceux-la sont rares qui dans le ciel musical peuvent faire quelque lueur sacrée auprès de Bach, de Palestrina, de Beethoven. Depuis le commencement du XIX, siècle, il semblait que le genre religieux s'effacat ; ce sera pour Gounod un honneur impérissable que de lui avoir rendu et la grâce et la vitalité.</p> <hr class="spip" /> <p>Article original de la revue Musica en juillet 1906 par robert Brussel.</p></div>
Les dessous de l'opéra Garnier
http://www.vocalises.net/spip.php?article108 http://www.vocalises.net/spip.php?article108 2005-12-28T16:57:41Z text/html fr Jean-Marc Cet article a été publié dans la revue Musica en octobre 1904 par Mr SURTAC. C'est un document historique qui nous décrit les dessous de l'opéra Garnier. C'est très instructif, bonne lecture ... Une manoeuvre dans les dessous de l'opéra Un théatre de l'importance de Opéra est comme une ville dans Paris, un état dans l'État. Une activité forcenée, fébrile, aux efforts très divers, s'y ingénie sans relâche, pour des résultats prodigieux qui tous (...) - <a href="http://www.vocalises.net/spip.php?rubrique12" rel="directory">Histoire</a> <img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L80xH80/arton108-58381.jpg" alt="" align="right" width='80' height='80' class='spip_logos' style='height:80px;width:80px;' /> <div class='rss_texte'><p><span class='spip_document_298 spip_documents spip_documents_center' > <img src='http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L150xH51/logo-musica-3-baa6d.jpg' width='150' height='51' alt="" style='height:51px;width:150px;' /></span></p> <p>Cet article a été publié dans la revue Musica en <strong>octobre 1904</strong> par Mr SURTAC. C'est un document historique qui nous décrit les dessous de l'opéra Garnier. C'est très instructif, bonne lecture ...</p> <dl class='spip_document_268 spip_documents spip_documents_right' style='float:right;'> <dt><img src='http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L350xH537/une-manoeuvre-239ab.jpg' width='350' height='537' alt='JPEG - 38.8 ko' style='height:537px;width:350px;' /></dt> <dt class='spip_doc_titre' style='width:350px;'><strong>Une manoeuvre dans les dessous de l'opéra</strong></dt> </dl> <p><i>Un théatre de l'importance de Opéra est comme une ville dans Paris, un état dans l'État. Une activité forcenée, fébrile, aux efforts très divers, s'y ingénie sans relâche, pour des résultats prodigieux qui tous s'appellent : la Beauté. Le public qu'ils réjouissent ne manifeste guère sa gratitude qu'à ceux qui affrontent directement sa curiosité et son jugement. Pourtant sa joie n'est pas toute l'œuvre de ceux-ci. Beaucoup d'autres zélateurs, - d'autres artistes contribuent à son enchantement. L'article suivant lui présente les artistes anonymes qu'il ne verra jamais.</i></p> <p>S'il passait un jour en l'esprit de M. Gailhard l'idée de briguer un mandat législatif, il pourrait, suivant l'exemple d'Alexandre Dumas père aspirant à la députation. arguer surtout et de façon impressionnante, du grand nombre de gens dont la bonne fortune de sa direction assure la subsistance et la vie. Il lui suffirait de s'en remettre aux chiffres du soin de toute éloquence persuasive.</p> <p>Les dépenses annuelles de l'Opéra s'élèvent au chiffre de 4 millions de francs.</p> <p>A titre documentaire, disons que les abonnés à notre Académie de Musique lui assurent un revenude 1.8oo.ooo francs.</p> <p>L'État contribue au paiement de l'énorme dépense par une subvention de 8oo.ooo francs. Il faut donc, pour que le budget s'équilibre, que le public mouvant apporte 1.600.000 fr.</p> <p>Une représentation de l'Opéra se chiffre par une moyenne de dépenses de 21.000 francs. 16.800 francs étant en moyenne fournis par le double apport du public abonné et de l'autre. la subvention comble le déficit.</p> <p>Ces chiffres connus, on ne s'étonnera point que depuis Véron. qui cependant monta Robert le Diable, un des plus grands succès du siècle, jusqu'à Vaucorbeil, qui laissa un passif de 1 million 500.000 fr aucun directeur de notre première scène lyrique n'ait pu affermir son budget.</p> <p>M. Gailhard a joui d'une meilleure fortune. Il sied de constater - et c'est d'une profonde satisfaction artistique - que c'est grâce surtout aux représentations wagnériennes, et un peu aussi au succès inépuisable de Faust que ce directeur heureux doit d'avoir toujours triomphé du mauvais sort devant lequel s'étaient égalés ses prédécesseurs.</p> <p>A ce formidable budget de 4 millions de francs émargent directement 1.530 personnes. Beaucoup parmi elles étant en état conjugal et chargées de famille, on peut évaluer que prés de 3.500 personnes tirent leur nécessaire vital de l'Opéra. Si, à côté de ce personnel fixe, nous considérons les peintres décorateurs, les copistes. les costumiers nous pouvons, sans outrer la vraisemblance supposer que M. Gailhard règne sur un peuple de 6.ooo à 7 000 âmes (la population d'un bourg industriel et, certes, il n'en est point de plus actif et de plus ingénieux).</p> <dl class='spip_document_270 spip_documents spip_documents_right' style='float:right;'> <dt><img src='http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L350xH285/atelier-des-tailleurs-72153.jpg' width='350' height='285' alt='JPEG - 24.2 ko' style='height:285px;width:350px;' /></dt> <dt class='spip_doc_titre' style='width:350px;'><strong>L'atelier des tailleurs</strong></dt> <dd class='spip_doc_descriptif' style='width:350px;'>Situé au 5eme étage ou regne une grande activité </dd> </dl> <p>On se rend compte du désastre que serait une fermeture, même brièvement temporaire, de notre premier théâtre lyrique.</p> <p>Six à sept mille électeurs sont donc à peu près assurés à M. Gailhard au cas où il s'entêterait un jour d'ambitions parlementaires.</p> <p>Ceux qu'on ne voit pas, sont à l'Opéra comme partout ailleurs. pour le moins aussi nombreux que ceux qui reçoivent directement les manifestations de l'attention publique.</p> <p>Le personnel visible se dénombre approximativement ainsi</p> <p><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> pour l'orchestre, par 105 musiciens <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> pour le chant, par 51 solistes hommes et femmes, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 6o choristes hommes <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 4o choristes femmes, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> auxquels il sied d'ajouter 6o supplémentaires des deux sexes : <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> pour la danse : par 52 sujets : <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 92 danseurs et danseuses du corps de ballet ; <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> pour la figuration : par 27 titulaires, et 25o personnes prises à la journée. Au total, le personnel visible. attrayant, applaudi, se chiffre par 700 unités environ.</p> <p>Le personnel fixe invisible, ou ne participant pas de façon flagrante àl'éclat théâtral, s'évalue à 830 unités environ.</p> <p>Il se compose pour le personnel de l'administration</p> <p><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 administrateur général, M. Simonnot ; <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 secrétaire général, M. Georges Boyer ; <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 secrétaire de la direction, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 chef de comptabilité, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 caissier, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 2 comptables. <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 2 préposées à la location. <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 interprète. <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 surveillant <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 garçon de caisse, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 huissier de la direction. <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 garçons de bureau. </p> <dl class='spip_document_275 spip_documents spip_documents_right' style='float:right;'> <dt><img src='http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L350xH100/une-toile-de-fo-70b6f.jpg' width='350' height='100' alt='JPEG - 9.7 ko' style='height:100px;width:350px;' /></dt> <dt class='spip_doc_titre' style='width:350px;'><strong>Transport d'une toile </strong></dt> <dd class='spip_doc_descriptif' style='width:350px;'>(Sortie des magasins du boulevard Berthier) </dd> </dl> <p>A ce personnel. s'ajoute celui du contrôle</p> <p><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 contrôleur général <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 9 contrôleurs, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 4 inspecteurs, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 11 indicateurs, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 2 huissiers, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 4 buralistes, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 2 gardiens des portes.</p> <p>Le personnel invisible de la scène se constitue ainsi :</p> <p><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 directeur, M. Victor Capoul ; <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 régisseur général, M. Lapissada ; <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 régisseur de la scène, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 5 chefs de chant, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 2 répétiteurs, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 souffleur, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 4 avertisseurs, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 3 surveillants, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 2 maîtres coiffeurs et leurs aides, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 chef ustensilier, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 23 accessoiristes et ustensiliers, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 chef d'orchestre de scène, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 sous-chef, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 61 musiciens, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 10 chauffeurs (vapeur).</p> <p>Danse :</p> <p><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 2 maîtres de ballet, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 régisseur, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 6 professeurs <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 64 élèves du conservatoire de danse.</p> <p><span class='spip_document_271 spip_documents spip_documents_right' style='float:right; width:350px;' > <img src='http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L350xH219/ingenieur-electricien-697e3.jpg' width='350' height='219' alt="L'ingénieur electricien" title="L'ingénieur electricien" style='height:219px;width:350px;' /></span></p> <p>Choeurs : <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 chef, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 sous-chef, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 organiste.</p> <p>Machinistes :</p> <p><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 chef, M. Philippon ; <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 sous-chef, M. Bovagnet ; <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 4 brigadiers, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 81 machinistes (22 menuisiers, r serrurier, 2 tapissiers, 4 couturières, 48 machinistes), <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 15o aides-machinistes, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 12 aides-tapissiers, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 garde-magasin (chargé aussi de la surveillance des trois dogues du boulevard Berthier).</p> <p>Electriciens : <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 chef, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 sous-chef, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 9 titulaires, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 17 supplémentaires.</p> <dl class='spip_document_272 spip_documents spip_documents_right' style='float:right;'> <dt><img src='http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L350xH386/armures-5be0a.jpg' width='350' height='386' alt='JPEG - 33.8 ko' style='height:386px;width:350px;' /></dt> <dt class='spip_doc_titre' style='width:350px;'><strong>Le magasin d'armures</strong></dt> </dl> <p>Costumes : <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 dessinateur, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 adjoint, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 chef du matériel, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 garçon de magasin, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 inspecteur, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 chef d'habillement, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 2 cordonniers.</p> <p>a) Tailleurs :</p> <p><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 maître-tailleur, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 sous maître, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 34 tailleurs.</p> <p>b) Couturières : <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 costumière en chef, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 sous-maîtresse, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 42 couturières, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 garde-magasin central.</p> <p>Habilleurs et habilleuses : <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> Internes 76 ; <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> externes, 6o.</p> <p>Entretien du bâtiment : <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 architecte, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 4 concierges, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 garde-magasin, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 serrurier, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 menuisier. <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 1 plombier.</p> <p>Service d'incendie : <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 10 gardes de nuit, <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> 9 employés de rondes.</p> <p>Ce personnel invisible émarge puissamment au budget. On en conviendra quand on saura que, par exemple, le balayage coûte à l'Opéra 36.500 francs par an, soit 100 francs par jour et que le chauffage y revient à 90.000 francs.</p> <dl class='spip_document_273 spip_documents spip_documents_right' style='float:right;'> <dt><img src='http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L350xH187/equipe-du-cintre-4c469.jpg' width='350' height='187' alt='JPEG - 18.7 ko' style='height:187px;width:350px;' /></dt> <dt class='spip_doc_titre' style='width:350px;'><strong>L'équipe du cintre</strong></dt> </dl> <p>Nous omettons à dessein le personnel de la bibliothèque de l'Opéra, dont le chef est l'éminent compositeur Ernest Reyer, et qui compte comme archiviste le très érudit et talentueux M. Charles Malherbe, comme archiviste-adjoint, M. A. Banès. musicien réputé, et comme secrétaire M. Larpin. Ce personnel distingué. d'une courtoisie inépuisable, relève directement de l'administration des Beaux-Arts, il continue l'oeuvre de Charles Nuitter, le lettré et l'artiste que tous regrettent.</p> <p>La bibliothèque de l'Opéra mériterait à elle seule la matière d'un article. Elle abonde en trésors de toute sorte, dont le total constitue comme une histoire vivante de l'art. Rien n'y est oublié de ce qui touche à l'Opéra, jusqu'à des prospectus de magasins où le monument est figuré, qui ont place dans ses archives.</p> <p>Elle est riche d'une nombreuse collection d'autographes ; de maquettes montrant les salles occupées au XVIIIe siècle par l'Académie royale de musique ; de poupées permettant de suivre l'histoire du costume au théâtre pendant deux siecles ; de portraits et de bustes de compositeurs et de chanteurs ; de dessins, de caricatures ; d'affiches, de projets de décors, d'aquarelles et de costumes.</p> <dl class='spip_document_269 spip_documents spip_documents_right' style='float:right;'> <dt><img src='http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L350xH286/le-magasin-de-chaussures-17680.jpg' width='350' height='286' alt='JPEG - 29.9 ko' style='height:286px;width:350px;' /></dt> <dt class='spip_doc_titre' style='width:350px;'><strong>Le magasin de chaussures</strong></dt> <dd class='spip_doc_descriptif' style='width:350px;'>Qui chausse 300 paires de pieds par représentation </dd> </dl> <p>On y voit des chambres noires permettant de contempler en leur ensemble quelques décors machinés. Au nombre des curiosités les plus rares, citons le piano de Spontini, Cette bibliothèque a été entièrement organisé par Charles Nuitter, qui y consacra toute sa vie et beaucoup de sa fortune. Elle a été ouverte au public en 1881.</p> <p>Comme partout ailleurs, ceux que l'on ne voit pas sont, à l'Opéra, pour le moins aussi nécessaires que ceux que l'on voit.</p> <p>Ceux-ci usurpent souvent, de par les forces obscures de l'habitude, toute une gloire qui décemment devrait revenir, au moins en partie, à ceux là.</p> <p>Mais une telle injustice est si bien dans le courant des choses sociales (et même, hélas ! des choses naturelles : la fleur éclipsant presque toujours pour nous la beauté de l'engrais d'où elle émane), elle est tellement invétérée qu'il pourrait paraître naïf qu'on s'en étonnât.</p> <p>Cependant, il faut bien dire que si plus d'un ténor de l'Opéra mérite d'être désigné, à l'instar de Pétrone, comme arbitre des élégances, l'honneur en revient en partie à M. Bianchini, qui est le dessinateur de costumes au talent le plus instruit, le plus original et le plus nombreux. Son oeuvre est énorme et parfaite.</p> <p>Quels que soient le temps et le lieu où l'action d'un opéra s'accomplit, il sait retrouver les costumes authentiques seyant aux artistes, et les réaliser de façon à reporter irrésistiblement la pensée vers les époques évoquées.</p> <dl class='spip_document_276 spip_documents spip_documents_right' style='float:right;'> <dt><img src='http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L350xH189/philippon-chef-machiniste-22acd.jpg' width='350' height='189' alt='JPEG - 10.9 ko' style='height:189px;width:350px;' /></dt> <dt class='spip_doc_titre' style='width:350px;'><strong>Mr Philippon chef machiniste</strong></dt> <dd class='spip_doc_descriptif' style='width:350px;'>et son sous chef en train de composer une maquette de décor </dd> </dl> <p>Toutes ses conceptions sont fidèlement accomplies par un monde de tailleurs, de cordonniers, d'armuriers et d'habilleurs, chacun étant personnellement, lui aussi, une façon d artiste.</p> <p>Il faut bien dire encore que la merveille d'un spectacle de l'Opéra est pour beaucoup l'oeuvre de M. Philippon, le chef-machiniste, qui depuis bien des années conquiert chaque soir le titre d'artiste.</p> <p>C'est un artiste encore, l'ingénieur électricien qui projette sur les chanteurs de véritables poèmes de lumière, rutilante, souple, complexe et déconcertant l'admiration.</p> <p>Il faut dire, enfin, que chaque collaborateur obscur au grand oeuvre qu'est une représentation de l'Opéra vaut par la double qualité d'un goût sûr et d'un travail acharné.</p> <p>Le public s'imagine difficilement le labeur considérable qu'est la mise en scène d'une oeuvre. Quant aux frais qu'elle nécessite, on en jugera par les chiffres suivants :</p> <p><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> Faust, remonté à neuf après l'incendie du magasin de décors de la rue Richer, a coûté 187.000 francs ; <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> les Huguenots, 173.ooo francs ; <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> le Prophète, 224.000 francs ; <br /><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> Coppélia, 42.000 francs. .</p> <dl class='spip_document_274 spip_documents spip_documents_right' style='float:right;'> <dt><img src='http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L350xH462/philippon-presentant-une-ma-84b39.jpg' width='350' height='462' alt='JPEG - 24 ko' style='height:462px;width:350px;' /></dt> <dt class='spip_doc_titre' style='width:350px;'><strong>Mr Philippon présentant une maquette de décor</strong></dt> <dd class='spip_doc_descriptif' style='width:350px;'>au libretiste Gheusi et au compositeur Hillemacher </dd> </dl> <p>La moyenne des dépenses se chiffre donc par 15o.ooo à 16o.ooo francs.</p> <p>Souvent les résultats ne sont pas à la hauteur des sacrifices. Ainsi l'opéra qui a coûté le plus cher à monter : 320.000 francs, n'est pas allé à la dixième représentation. Il serait cruel d'insister sur le nombre de représentations qu'on en donna</p> <p>L'opéra qui a nécessité la plus faible dépense est la Walkyrie : 8o.ooo francs. L'oeuvre admirable de Wagner en est à sa 13oeme représentation environ.</p> <p>Ce que le public ne peut s'imaginer surtout, c'est l'activité, démoniaque pourrait-on dire, qui règne à l'Opéra un soir de représentation. Du dernier cintre jusqu'aux dessous, c'est un fouillis de mâts, de cordages, évoquant assez bien l'idée d'une forêt vierge aux branches entrelacées, et dans lequel les hommes sont contraints à une agilité, à des attitudes que ne répudieraient point certains habitants nos ancêtres desdites forêts vierges.</p> <p>Pourtant, leur labeur s'accomplit avec une méthode impeccable, sans à-coup et sans surprise. Tout étant danger dans cette activité prodigieuse, on n'a que bien rarement, néanmoins, à y enregistrer un accident</p> <p>A la considérer, on comprend vite pourquoi l'Opéra ne peut pas donner de représentations tous les jours. Chaque changement de décor nécessite une journée de travail et il y faut ajouter le labeur qu'est le transport des toiles de l'immense magasin du boulevard Berthierau monument Garnier.</p> <p>Au reste, on n'imagine pas que l'exploit collectif qu'est une représentation de notre première scène lyrique se puisse, même s'il se pouvait accomplir plus brièvement, répéter chaque soir. Cela tient du miracle, et il n'y a guère que dans les Écritures que le miracle soit aisé. Il faudrait, pour en assurer la régularité quotidienne, doubler le peuple de ce Pandoemonium de l'art... Et... scandale.. augmenter sans doute encore la subvention. Nous ne pousserons pas phis loin cette supposition qui ne serait probablement pas du goût de l'éminent directeur des Beaux-Arts. M. Marcel.</p> <p><img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L8xH11/puce-cebf5.gif" width='8' height='11' alt="-" style='height:11px;width:8px;' /> Pour en savoir plus, <a href='http://www.histoire-en-ligne.com/article.php3?id_article=115' class='spip_out'>un lien sur l'histoire de l'opéra Garnier</a></p></div>
Samson et Dalila par Mme Héglon
http://www.vocalises.net/spip.php?article95 http://www.vocalises.net/spip.php?article95 2005-10-31T08:55:13Z text/html fr Jean-Marc Article historique publié en Janvier 1913 dans la revue Musica... Samson et Dalila est à l'heure actuelle un des ouvrages les plus caractéristiques du répertoire moderne. Ce chef-d'oeuvre du grand Saint-Saëns dont on fêtait récemment à l'Opéra le vingtième anniversaire de la première à Paris- oppose, en conflit, l'éternel féminin et la puissance de l'homme. Musicalement, ces deux entités se détachent avec la clarté, la richesse et la sobriété de style qui (...) - <a href="http://www.vocalises.net/spip.php?rubrique12" rel="directory">Histoire</a> <img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L80xH81/arton95-cfb21.jpg" alt="" align="right" width='80' height='81' class='spip_logos' style='height:81px;width:80px;' /> <div class='rss_texte'><p><span class='spip_document_299 spip_documents spip_documents_center' > <img src='http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L150xH51/logo-musica-4-ee9c6.jpg' width='150' height='51' alt="" style='height:51px;width:150px;' /></span> Article historique publié en Janvier 1913 dans la revue Musica...</p> <p>Samson et Dalila est à l'heure actuelle un des ouvrages les plus caractéristiques du répertoire moderne. Ce chef-d'oeuvre du grand Saint-Saëns dont on fêtait récemment à l'Opéra le vingtième anniversaire de la première à Paris- oppose, en conflit, l'éternel féminin et la puissance de l'homme. Musicalement, ces deux entités se détachent avec la clarté, la richesse et la sobriété de style qui parfont l'originalité du compositeur de la Symphonie en ut mineur ; psychologiquement, elles se précisent dans les nuances les plus délicates de la séduction.</p> <p>Dans la Bible, Dalila est une hétaïre vénale. Saint-Saëns l'imagine comme une prêtresse de Dagon. Et c'est pour le triomphe de son dieu qu'elle trahit Samson ; elle combat pour sauver son peuple et afin que sa déité l'emporte sur le dieu d'Israël. Ainsi le rôle s'amplifie d'une beauté plus noble et plus digne.</p> <dl class='spip_document_243 spip_documents spip_documents_right' style='float:right;'> <dt><img src='http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L250xH469/Mme-heglon-9afb3.jpg' width='250' height='469' alt='JPEG - 20.3 ko' style='height:469px;width:250px;' /></dt> <dt class='spip_doc_titre' style='width:250px;'><strong>Mme Héglon dans Samson et Dalila</strong></dt> </dl> <p>J'ai joué pour la première fois Samson et Dalila à Toulouse. La pièce - comme beaucoup de chefs-d'oeuvre - n'avait pas eu de succès. A Toulouse, l'interprète principale n'avait trouvé rien de mieux, pour corser le spectacle, que de vouloir chanter, pendant les entr'actes, des airs tels que l'arioso du Prophète. Alors l'on me demanda si je connaissais la partition. J'étais prête déjà...</p> <p>Longtemps avant la création de l'ouvrage à Paris, je l'avais étudié musicalement avec M. Camille Saint-Saëns. J'avais réglé la mise en scène d'accord avec Obin, et avec quel souci d'art ! (Je ne puis parler de ce professeur sans rappeler sa science et son talent. Il ne considérait pas ses élèves comme des automates. Il ne les figeait pas dans l'inertie du geste appris. Il les encourageait à faire preuve d'initiative. En un mot, il développait la personnalité et le tempérament de tout artiste. Et si, actuellement, mes conseils sont de quelque utilité, c'est qu'ils s'inspirent de cet enseignement généreux et compréhensif.</p> <p>Je fus donc engagée à Toulouse pour trois représentations de Samson. Mais ce fut quatorze fois que j'y chantai cette oeuvre. Jusqu'alors je n'avais jamais interprété de rôle de premier plan. En quelque sorte j'accomplissais de nouveaux débuts, et toute une marée de souvenirs monte en mon coeur. Chaque soir, une foule nombreuse m'accompagnait à l'hôtel ; pendant les représentations, les auditeurs des galeries supérieures me lançaient d'humbles bouquets de violettes. Toute l'exaltation du succès me grisait, étrange et capiteuse. A la sortie du spectacle, la place du Capitole était noire de monde et on me reconduisait en foule à l'hôtel.</p> <p>J'eus la joie de faire triompher à Toulouse Samson et Dalila. SaintSaëns était venu m'entendre. Je conserve pieusement la lettre qu'il m'adressa, et dans laquelle il voulut bien me dire que je jouerais tous ses rôles à l'Opéra. On m'excusera de rappeler ici des faits personnels ; ils inciteront, j'espère, les jeunes artistes à la persévérance.</p> <p>Comment interpréter Dalila ?</p> <p>Mon Dieu, c'est simple : en suivant avec exactitude le texte littéraire et le texte musical. Pour cela, on procède à un travail liminaire de recherches ; ensuite il faut adapter cette assimilation à sa nature, afin de lui insuffler la vie.</p> <p>Plaçons le rôle physiquement. Dalila est belle ; sa ligne doit être pure et émotive. Il est inutile de jouer une Dalila sommairement vêtue. Dalila n'est pas indécente. Et c'est amoindrir le tragique de la pièce que de l'entacher de vulgarité. Le corps se devine, mais ne s'étale pas impudiquement. Au théâtre, en outre, il faut faire abstraction de sa personnalité et ne songer qu'à l'incarnation du personnage que l'on doit représenter ; être préoccupé de la silhouette ; approprier le costume au rôle et non à la femme ; adopter le maquillage idoine à tracer le caractère du masque et ne pas se soucier de la beauté de son propre visage.</p> <p>Il convient par la suite d'établir les contrastes qui forment du caractère de Dalila une synthèse bizarre. Tantôt la démarche ondule, . les yeux s'enivrent de volupté, les narines frémissent, la bouche entr'ouverte semble prononcer de douces paroles muettes. Tantôt, au contraire, la démarche est fière, le regard est chargé de haine, les narines se pincent, la sinuosité des lèvres exprime une implacable vengeance. Voici pour l'ensemble, mais examinons le rôle dans le détail, acte par acte, presque scène par scène, et l'on saisira tout de suite les oppositions et quelquefois les transitions du caractère de Dalila. Dalila, appuyée sur deux de ses compagnes, prêtresses et danseuses comme elle, dès son entrée au premier acte, doit exprimer la séduction la plus câline. Ce n'est que par sa beauté qu'elle réduira Samson à sa merci. Aussi ses gestes sont arrondis, comme pâmés, ses bras s'étirent harmonieusement. Elle chante d'une voix chaude, prenante comme une superbe animation vitale, et l'on sent qu'un lien mystérieux l'unit au rude Samson. Puis elle danse, et toute sa grâce lascive rythme déjà l'amour du fils d'Israël.</p> <p>Dalila, le sourire éclos ainsi qu'une rose écarlate, chante le trio en s'adressant à Samson. Chaque fois que le grand prêtre entraîne Samson, elle décèle par un fragment d'expression, par un regard bref, par un soupir, par une torsion de la bouche, par une crispation des bras, la haine qui amènera l'odieuse vengeance. La danse dont je viens de parler, je l'ai exécutée d'après les fresques d'Herculanum. J'ai compulsé force documents.</p> <p>Le travail seul permet d'acquérir l'eurythmie qui est à la fois, en quelque sorte, l'harmonie et la mélodie du corps humain. Je recherchai le secret subtil des Tanagres. Je m'habillai chez moi de tuniques et de voiles, si bien qu'en scène j'étais plus à l'aise dans mes longues draperies enroulées autour des jambes, que vêtue à la ville d'un simple trotteur.</p> <p>Après l'éclair de perversité de la danse, sourd la belle phrase classique : « Printemps qui commence... » ; il convient de la chanter piano, d'une voix douce (pourquoi un contralto veut-il émettre dans le grave des sons semblables à ceux d'un homme ?), moitié dans le masque, mi-appuyée sur la poitrine. Le regard incliné vers Samson, le corps tourné vers le public, l'artiste doit donner l'impression du désir ardent et du printemps de la beauté. Dalila quitte la scène et fixe, étrange et fascinatrice, le valeureux Samson.</p> <p>Au début du deuxième acte, la physionomie du personnage se modifie entièrement. Dalila révèle sa vraie nature ; elle s'écrie : « Voici l'heure de la vengeance qui doit satisfaire les dieux. » Elle invoque le dieu de l'amour pour qu'il lui accorde la force de vaincre le dieu d'Israël et qu'il lui dévoile le secret de la puissance de Samson.</p> <p>Il faut chanter à pleine voix ; les gestes nobles, les attitudes sculpturales complètent la majesté de l'héroïne. Dalila regarde si Samson ne vient pas. Mais voici qu'arrive le grand prêtre : il la supplie de trahir Samson et s'offre à lui acheter « son esclave ». Elle écoute ce récit Lavec dédain, sans bouger, les bras croisés, jouant avec une fleur, avec des perles. Elle a un violent mouvement de révolte lorsqu'il veut la tenter par l'appât de l'or. « Toi non plus, tu n'as rien vu, ni ma haine, ni mon désir de vengeance. » Tout le passage doit être prononcé avec véhémence. Pour met tre le comble à sa colère,le prêtre émet des doutes sur son pouvoir.</p> <p>Elle ne cache pas son angoisse, mais elle reprend courage, et dans la fin de l'admirable duo, ils demandent à Dagon de les soutenir et de rendre certaine leur victoire. Après le départ du grand prêtre, le doute torture Dalila ; Samson n'est pas là et elle rentre amèrement déçue. Samson est accouru. Dalila le rejoint, son manteau tombe et elle apparaît, drapée dans des voiles blancs. Elle l'enjole avec toutes les séductions de la voix, du geste, de l'attitude, avec les larmes jolies. Quand Samson se détourne, elle exprime son mépris de ce fort si faible. Il croit qu'elle pleure, qu'elle sanglote lorsqu'elle cache sa figure entre ses mains elle ne fait que rire cruellement du triomphe assuré désormais.</p> <p>Mon coeur s'ouvre à ta voix : elle murmure cet air émotif et comme douloureux ; elle ne le crie pas, ainsi que le jugent nécessaire certaines cantatrices ; de ses lèvres sortent des sons doux de flûte.</p> <p>Chaque personnage au théâtre doit avoir un son de voix différent. Dans Dalila, il est deux êtres ; aussi, tour à tour, une voix aux inflexions câlines et une voix vibrante et chaleureuse sont-elles nécessaires pour traduire les réflexes et les sentiments qui animent la prêtresse de Dagon.</p> <p>A la fin du deuxième acte, l'expression varie et monte, torrent de caresses, jusqu'à ce que soit arraché le secret qui permettra d'annihiler la force de Samson.</p> <p>Dalila, au troisième acte, ne se soucie plus de sa victime. Elle a un peu la dignité du gladiateur qui vient de terrasser son adversaire et que la foule en délire acclame. Elle a vaincu après un combat farouche et sans pitié. Son triomphe suffit à sa joie. Elle se vante de sa victoire ; elle a vengé son dieu, son peuple ; elle a assouvi sa haine. Mais elle est de nouveau la prêtresse sacrée de Dagon. Elle est hautaine ; si l'encens de la gloire ne la trouble pas, son coeur palpite profondément. Jouer cet acte sans gestes, sans effets inutiles ; ne pas manifester extérieurement l'infini du bonheur que lui donne le succès ; garder une attitude biblique, hiéra tique ; être la dédaigneuse idole du peuple reconnaissant.</p> <p>J'ai joué Dalila deux cent cinquante fois à l'Opéra, et presque autant ailleurs, c'est dire que je connais la partition jusque dans ses détails les plus infimes et que j'ai étudié le rôle jusque dans ses moindres replis.</p> <p>J'ai composé le personnage de Dalila selon les indications musicales de M. Camille Saint-Saëns, et en étudiant, dans les textes, et dans les différents arts son âme et son aspect physique.</p> <p>Je n'ai pas eu l'heur de créer Samson ; mais la grande joie m'était réservée de chanter la centième et la deux-centième. L'avouerai-je ? à la deux-centième je fus émue comme une débutante. Je me remémorai confusément la première représentation où j'incarnai Dalila ; tout un flot de souvenirs m'assaillit et me bouleversa.</p> <p>Tout à coup, je m'arrêtai ; je ne me rappelai plus ni le texte ni la musique, Mais je suis ravie de me rappeler aujourd'hui les mille détails de l'oeuvre, pour en entretenir les lecteurs de Musica.</p> <p>Mme Héglon</p></div>
Gluck et l'opéra comique
http://www.vocalises.net/spip.php?article92 http://www.vocalises.net/spip.php?article92 2005-10-04T11:34:23Z text/html fr Jean-Marc Imaginons que nous sommes à la cour impériale d'Autriche un soir d'automne de l'année 1758. C'est jour de la fête de l'Empereur et l'on donne à Schoenbrunn un spectacle de gala. Par dérogation aux usages, ce n'est pas un opéra italien qu'on a choisi. Ce n'est pas non plus une pièce allemande : ne sait-on pas dans toute l'Europe (bien qu'il y ait huit ans qu'un certain Bach, organiste obscur, a passé de vie à trépas) (...) - <a href="http://www.vocalises.net/spip.php?rubrique12" rel="directory">Histoire</a> <img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L80xH85/arton92-e123c.jpg" alt="" align="right" width='80' height='85' class='spip_logos' style='height:85px;width:80px;' /> <div class='rss_texte'><p><span class='spip_document_300 spip_documents spip_documents_center' > <img src='http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L150xH51/logo-musica-5-8893e.jpg' width='150' height='51' alt="" style='height:51px;width:150px;' /></span> Imaginons que nous sommes à la cour impériale d'Autriche un soir d'automne de l'année 1758. C'est jour de la fête de l'Empereur et l'on donne à Schoenbrunn un spectacle de gala.</p> <p>Par dérogation aux usages, ce n'est pas un opéra italien qu'on a choisi. Ce n'est pas non plus une pièce allemande : ne sait-on pas dans toute l'Europe (bien qu'il y ait huit ans qu'un certain Bach, organiste obscur, a passé de vie à trépas) que la musique allemande n'existe pas ? Au contraire, tout ce qui vient de France est en grande faveur : ce sera donc un opéra-comique nouveau dont l'empereur Franz aura ce soir-là la primeur.</p> <p>La toile vient de se lever : regardons et écoutons. <span class='spip_document_238 spip_documents spip_documents_right' style='float:right; width:300px;' > <img src='http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L300xH486/mond-renverse-8de7b.jpg' width='300' height='486' alt="" style='height:486px;width:300px;' /></span></p> <p>L'ouverture a grondé sur un ton bien terrible pour ce que le premier coup d'oeil semble annoncer. Scapin et Pierrot s'avancent : ils viennent d'échapper à la tempête (voilà l'explication des éclats tumultueux de l'ouverture). Le premier chante, en français, sur le timbre du vieux vaudeville : <i>Tes beaux yeux, ma Nicole</i> <i>Hélas ! qu'allons-nous faire, Mon cher Pierrot, ici ?</i></p> <p>Quand ils ont, sur cet air gai, fini d'exhaler leurs plaintes, ils voient tomber du ciel (c'est-à-dire du cintre) un saucisson suspendu à une ficelle ; une bouteille suit la même route ; une table servie, portant une volaille en carton, fait enfin son apparition ; et Scapin de chanter sur l'air <i>Belle brune</i> <i>D'une grosseur sans pareille Aperçois-tu ce dindon, O merveille !</i></p> <p>A quoi, sur un « air nouveau », Pierrot répond par ces paroles <i>Ah ! le bon pays, Scapin ! Passons-y gaîment la vie.</i></p> <p>Leur festin terminé, surviennent deux jolies filles, Argentine et Diamantine. Les deux naufragés, qui sont seigneurs de la bourse plate, osent à peine leur adresser leurs hommages, mais leur étonnement redouble quand ils apprennent que, dans le pays où le naufrage les a jetés, les lois obligent les jeunes filles riches à épouser des garçons sans le sou.</p> <p>Puis tous les hommes sont fidèles, les femmes aussi, et dociles, et aimables, sans quereller jamais, bref, « le monde renversé !. »</p> <p>Le lieu où ont abordé Pierrot et Scairi est une île enchantée : <i> <strong>l'Ile de Merlin</strong> </i>.</p> <p>Et voici quelques autres de ses habitants un philosophe, en habit. galant, dansant et chantant la gaieté, en s'accompagnant sur la guitare ; deux femmes que Scapin ni Pierrot n'avaient jamais vues, bien qu'ils en eussent vaguement entendu parler : Innocence et Bonne .Foi.</p> <p>Après elles, un procureur, en habit galonné, avec un chapeau à plumes et une épée : son nom est « la Candeur » ; une femme médecin, Hippocratine, qui rit toujours, chante et danse, ce qui est sa façon de guérir les malades. Un notaire, M. Prud'homme, vêtu d'une robe blanche, immaculée. Enfin Merlin apparaît dans les airs, sur un char volant, et tout se termine par les mariages obligatoires.</p> <p>Ce scénario est celui d'une vieille farce française, le Monde renversé, représentée pour la première fois à l'Opéra-Comique de la Foire Saint-Laurent en 1718. Le comte Durazzo, directeur des spectacles impériaux à Vienne, soucieux de se conformer au goût du jour, lequel s'attachait tout particulièrement aux manifestations de l'esprit français (n'était-ce pas le temps où le roi Frédéric appelait à lui Voltaire, et l'impératrice Catherine, Diderot ?), avait fait venir de Paris cette pièce et, après quelques retouches, l'avait fait mettre en musique par le kapellmeister de l'Opéra.</p> <p>Quel était donc ce kapellnieister ? Pas moins que le futur auteur d'Orphée et d'Alceste : <strong>le chevalier Gluck</strong>, jeune encore, pourtant déjà célèbre par vingt opéras italiens à l'ancienne mode. C'est lui qui, délaissant avec bonheur les formes compassées des grands airs dans lesquels il avait été obligé jusqu'alors de couler de force son inspiration, se délassait - en attendant un nouvel et définitif effort d'art supérieur - à écrire, sur des paroles françaises, de joyeux couplets, tour à tour pittoresques, dansants et expressifs, pleins de musique, d'un style parfaitement adéquat aux caractères et aux situations.</p> <p>Or, il faut se garder de considérer cela comme un accident dans sa carrière.<strong> L'Ile de Merlin (ou le Monde renversé)</strong> n'est pas une oeuvre isolée dans la production de Gluck : pendant sept années au moins, celui qui devait bientôt mettre le sceau à sa gloire en composant A rmide et lés Iphigénies, consacra le meilleur de son activité à remettre en musique des opéras-comiques de Lesage, Vadé, Favart, Sedaine, que le comte Durazzo, en correspondance régulière avec Favart, faisait venir pour les offrir, sous cette nouvelle forme, mais toujours en français, au public qui fréquentait les théâtres de la capitale autrichienne.</p> <p>C'est ainsi que le catalogue des oeuvres de Gluck comprend, de 1758 à 1764, sept titres d'opéras-comiques, qui sont, outre l'Ile de Merlin, déjà citée : <strong>la Fausse Esclave, l'Arbre enchanté, Cythère assiégée, l'Ivrogne corrigé, le Cadi dupé et la Rencontre imprévue ou les Pèlerins de la Mecque,</strong> - sans parler des <strong>Amours champêtres, du Chinois poli en France, du Déguisement pastoral et du Diable à quatre</strong>, opéras comiques chantés sur de vieux airs français, que des catalogues lui ont encore attribués trop généreusement.</p> <p>La verve de Gluck s'appliqua tout naturellement aussi aux sujets plus sévères, qu'il aborda , par la suite. Par des transformations curieuses. Il advint parfois qu'il fit passer des thèmes de ces opéras-comiques dans les plus nobles tragédies de la fin de sa carrière.</p> <p>Sait-on bien que l'ouverture de cette Ile de Merlin que nous avons prise pour type, a servi à composer l'introduction d'Iphigénie en Tauride, qui commence de même par un naufrage. Un duo de dispute, dans l'Ivrogne corrigé, a été utilisé pour la querelle d'Achille avec Agamemnon dans Iphigénie en Aulide, et les harmonies d'une évocation bouffonne, dans le même ouvrage ont été replacées dans la scène au grand style, de la Haine, dans Armide.</p> <p>Au reste, Gluck à si peu songé à renier ces menues productions et à les considérer comme des erreurs de jeunesse que, venu à Paris pour y donner Iphigénie en Aulide et Orphée, il profita de son séjour pour faire représenter a Versailles l'Arbre enchanté, dans un spectacle de la cour et il tenta d'adapter pour l'Opéra Cythère assiégée.</p> <p>Julien TIERSOT</p> <p><i>Article tirée de la revue Musica de septembre 1911</i></p></div>
Un souvenir sur Rossini
http://www.vocalises.net/spip.php?article82 http://www.vocalises.net/spip.php?article82 2005-06-23T06:24:21Z text/html fr Jean-Marc Au début de l'année 1860, à Paris, je dirigeai deux fois de suite, sous forme de concert, quelques fragments de mes opéras, principalement des pièces symphoniques. En très grande majorité, la presse quotidienne exprima des opinions hostiles ; bientôt, même, elle répéta un bon mot attribué à Rossini. Mercadante, son ami, était (disait-on) partisan de ma musique. Richard Wagner Là-dessus, Rossini l'avait remis à sa place en lui servant, à dîner, la sauce d'un poisson, (...) - <a href="http://www.vocalises.net/spip.php?rubrique12" rel="directory">Histoire</a> <img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L80xH82/arton82-71bc5.jpg" alt="" align="right" width='80' height='82' class='spip_logos' style='height:82px;width:80px;' /> <div class='rss_texte'><p><span class='spip_document_301 spip_documents spip_documents_center' > <img src='http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L150xH51/logo-musica-6-b228f.jpg' width='150' height='51' alt="" style='height:51px;width:150px;' /></span> Au début de l'année 1860, à Paris, je dirigeai deux fois de suite, sous forme de concert, quelques fragments de mes opéras, principalement des pièces symphoniques.</p> <p>En très grande majorité, la presse quotidienne exprima des opinions hostiles ; bientôt, même, elle répéta un bon mot attribué à Rossini. Mercadante, son ami, était (disait-on) partisan de ma musique.</p> <dl class='spip_document_197 spip_documents spip_documents_right' style='float:right;'> <dt><img src='http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L250xH314/wagner-d3fab.jpg' width='250' height='314' alt='JPEG - 10.1 ko' style='height:314px;width:250px;' /></dt> <dt class='spip_doc_titre' style='width:250px;'><strong>Richard Wagner</strong></dt> </dl> <p><strong>Là-dessus, Rossini l'avait remis à sa place en lui servant, à dîner, la sauce d'un poisson, en lui faisant remarquer que l'assaisonnement pur et simple suffit à ceux qui ne font aucun cas du plat lui-même et qui se passent de la mélodie en musique.</strong></p> <p>Il m'avait été rapporté, sur l'indulgence peu scrupuleuse envers la société très mélangée qui fréquentait tous les soirs les salons du maître, des choses peu engageantes : je ne crus nullement devoir considérer comme fausse l'anecdote qui, notamment dans les journaux allemands, provoquait une grande joie.</p> <p>On ne manquait pas de la reproduire salis y ajouter des commentaires élogieux à l'adresse du maître spirituel. Cependant, Rossini crut de sa dignité, lorsque cela vint à ses oreilles, de démentir très expressément, dans une lettre à un rédacteur de journal, cette mauvaise blague, comme il la qualifia ; assurant qu'il ne se permettrait pas de porter un jugement sur moi, car il n'avait eu que par hasard l'occasion d'entendre, exécutée par l'orchestre d'une ville d'eaux allemande, une marche de nia composition, qui, d'ailleurs, lui avait beaucoup plu.</p> <p>il professait beaucoup trop d'estime pour un artiste qui cherchait à étendre le domaine de son art, pour se permettre de le blaguer.</p> <p>Cette lettre fut, à la demande de Rossini, publiée dans la feuille en question, mais les autres journaux gardèrent soigneusement le silence.</p> <p>Je me crus engage par cette attitude de Rossini à annoncer à celui-ci ma visite ; je fus reçu amicalement, et reçus de vive voix la nouvelle assurance des regrets que cette mauvaise plaisanterie avait causés au maître. Dans l'entretien qui s'ensuivit, je cherchai d'ailleurs à expliquer à Rossini que ce bon mot, aussi longtemps même que je l'avais supposé vraiment de son cru, ne m'avait pas affecté, car, par suite de l'attention et des discussions que provoquaient certains passages détachés de mes écrits sur l'art, dénaturés tantôt par méprise, tantôt de propos délibéré, j'étais dans le cas de prêter le flanc à l'équivoque, même pour mes partisans, et je ne pouvais guère espérer la résoudre que par des exécutions très bonnes de mes oeuvres dramatico-lyriques ; avant de les trouver n'importe où, je me résignais avec patience à mon sort, et n'en voulais à personne d'y avoir été mêlé sans le vouloir.</p> <p>De mes explications, Rossini sembla conclure avec regret que j'avais des motifs pour n'avoir pas gardé un souvenir excellent du monde musical allemand ; là-dessus, il commença par me décrire brièvement la caractéristique de sa propre carrière d'artiste, et me fit part de son opinion, tenue secrète jusqu'alors, qu'on aurait pu faire de lui quelque chose de bien, s'il était né et avait été élevé dans mon pays. « J'avais de la facilité, déclara-t-il, et peut-être j'aurais pu arriver à quelque chose » Mais l'Italie, continua-t-il, n'était déjà plus, de son temps, le pays où un effort sérieux, surtout dans le domaine de l'opéra, aurait pu être tenté et soutenu : toute chose supérieure y était étouffée brutalement, et le peuple n'y apprenait plus que la fainéantise.</p> <p>Aussi, dans sa jeunesse, avait-il grandi inconsciemment au service de cette tendance, et avait il dû acquérir, de droite et de gauche, , tout juste ce qu'il faut pour vivre ; lorsque, avec le temps, il s'était vu en meilleure posture, il était trop tard pour lui ; il lui eût fallu se donner un mal qui l'eût accablé, dans un âge plus avancé.</p> <p>Les esprits sérieux devaient donc porter sur lui un jugement indulgent ; lui-même ne prétendait pas à être mis au nombre des héros ; mais une seule chose ne pouvait lui être indifférente, c'était d'être assez méprisé pour être compté parmi les insipides railleurs d'efforts sérieux. Telle était l'origine de sa protestation. Ainsi, et par la façon sereine, mais sérieusement bienveillante, dont Rossini s'était exprimé, il me fit l'impression du premier homme vraiment grand et honorable que j'eusse encore rencontré dans le monde artistique.</p> <p>Je ne l'ai pas revu depuis cette visite, mais des souvenirs de lui me sont restés.</p> <p>Je rédigeai, pour la traduction française en prose de plusieurs de mes poèmes d'opéra, une préface où j'exposais en résumé les idées développées dans mes différents écrits sui l'art, notamment sur les rapports de la musique avec la poésie. Dans l'appréciation de la musique italienne d'opéra moderne, je fus surtout guidé par les confidences et déclarations que, basées sur son expérience propre, m'avait faites Rossini, dans la conversation que je viens de rappeler.</p> <p>Précisément, cette partie de mon exposé provoqua l'agitation durable, entretenue jusqu'aujourd'hui encore, dans la presse parisienne.</p> <p>J'appris que le vieux maître, relancé jusque chez lui, était assiégé par des racontars et des représentations relatives à mes soi-disant attaques contre lui ; l'événement montra qu'on ne put le décider à faire aucune déclaration contre moi, malgré certains désirs évidents ; j'ignore s'il s'est senti touché par les calomnies qu'on lui colportait, chaque jour, sur mon compte. Je fus prié par des amis de rendre visite à Rossini, pour lui donner des renseignements précis au sujet de cette agitation. Je déclarai ne vouloir rien faire qui pût alimenter de nouveaux malentendus ; si Rossini ne voyait pas clair dans son propre jugement, il me serait impossible de lui donner des éclaircissements de ma façon.</p> <p>Après la catastrophe qui, au printemps de 1861, atteignit mon Tannhauser lors de sa représentation à Paris, Liszt, qui était arrivé peu après à Paris et entretenait des relations amicales et fréquentes avec Rossini, me pria de dissiper, par une visite, les derniers nuages qui pouvaient subsister dans mes rapports avec cet homme qui, malgré toutes les incitations hostiles à ma cause, m'avait conservé fermement son amitié.</p> <p>Là encore, je sentis que le moment n'était pas venu de vouloir détruire, par des démonstrations extérieures, un malentendu beaucoup plus profond, et, en tout cas, j'avais encore quelque répugnance à donner cours maintenant, comme auparavant, à des interprétations erronées.</p> <p>Après le départ de Liszt, Rossini m'envoya de Passy, par un de ses intimes, les partitions que mon ami avait laissées chez lui, et me fit savoir qu'il me les aurait volontiers apportées lui-même si sa mauvaise santé ne l'avait retenu à la maison. Et même, à ce moment, je persistai dans mes résolutions précédentes. Je quittai Paris sans avoir revu Rossini, et pris ainsi sur moi de supporter mes propres reproches pour ma conduite, qu'il était assez délicat d'apprécier, à l'égard de cet homme que j'honorais véritablement.</p> <p>Plus tard, j'appris par hasard qu'un journal allemand de musique (Signale für Musik) avait, à l'époque, donné un compte rendu d'une dernière visite que j'aurais jugé à propos de faire à Rossini, après la chute du Tannhàuser, dans le sens d'un pater peccavit tardif. Même, dans ce compte rendu, on attribuait au vieux maître une répartie spirituelle ; comme je l'assurais que je n'avais nullement l'intention de battre toutes les grandeurs du passé, Rossini aurait littéralement répondu, avec son sourire « e Oui, mon cher monsieur Wagner, si vous le pouvez ».</p> <p>Je n'avais, certes, que peu d'espoir de voir démentir cette anecdote par Rossini lui-même, car, étant données les expériences antérieures, on avait certainement pris soin de lui cacher les histoires de ce genre qui couraient sur son compte ; cependant, je ne me sentis, pas plus que naguère, obligé de rompre une lance en faveur du diffamé qui, à mes yeux, était évidemment Rossini. Mais depuis la disparition récente du maître, il se manifeste de tous côtés des velléités de publier des esquisses biographiques sur lui ; comme je m'aperçois, hélas qu'il n'y a avant tout qu'un empressement à faire bonne figure avec des histoires de toute provenance, contre lesquelles le défunt ne peut plus protester, je crois ne pouvoir mieux faire, pour prouver mon respect réel à l'égard du disparu, à l'heure actuelle, que de faire connaître mon expérience personnelle, quant à la véracité des anecdotes attribuées à Rossini, et de contribuer ainsi à l'appréciation historique de ces racontars.</p> <p>Rossini, qui depuis longtemps n'appartenait plus qu'à la vie privée, et qui semble s'y être comporté à tous égards avec l'indulgence insouciante d'un sceptique enjoué, ne peut certes passer à l'histoire sous une attitude plus fausse qu'avec l'estampille, d'une part, d'un héros de l'art, et, d'autre part, ravalé au rôle de frivole plaisantin.</p> <p>Ce serait une grosse erreur de chercher, à la manière de notre critique actuelle qui se pique d'être « impartiale », à assigner à Rossini une place intermédiaire entre ces deux extrêmes.</p> <p>Par contre, Rossini ne saurait être estimé à sa juste valeur que lorsqu'on aura tenté une histoire intelligente de notre civilisation au cours de notre siècle, histoire dans laquelle, au lieu de suivre la tendance générale qui attribue à la civilisation de ce siècle un caractère exclusif de progrès universellement florissant, on ne devrait pas perdre de, vue la décadence réelle d'une civilisation antérieure et son, esprit délicat ; si ce caractère de notre époque était exactement décrit, Rossini trouverait aussi exactement la vraie place à laquelle il a droit. Et cette place ne serait pas à mépriser ; car, avec la même importance qu'eurent en leur temps Palestrina, Bach, Mozart, Rossini appartient au sien ; si l'époque de ces maîtres était une période d'efforts et d'espoir qui fut recréée par leur forte individualité, l'époque de Rossini devrait être considérée selon les propres expressions (jugements) du maître, qu'il exprimait devant ceux auxquels il accordait du sérieux et de la sincérité, mais qu'il cachait sans doute lorsqu'il devait se sentir épié par les mauvais plaisants de son entourage de parasites.</p> <p>Alors, mais alors seulement, Rossini serait apprécié et jugé selon son mérite véritable et très personnel ; ce qui manquait de dignité à ce mérite ne serait imputé ni à ses dons, ni à sa conscience artistique, mais simplement à son public et à son milieu, qui lui rendirent difficile de s'élever au-dessus de son temps, et partant de participer à la grandeur des véritables héros de l'art.</p> <p>Avant qu'un historien professionnel de l'art ne se donne cette tâche, puissent du moins ne pas être négligés les renseignements qui contribuent à, rectifier les facéties qui, pour le moment, sont jetées, comme de la boue au lieu de fleurs, sur la tombe ouverte du maître disparu.</p> <p>(1869.) RICHARD WAGNER. Extrait des oeuvres en prose de R. Wagner, tome IX, traduit par M. J.-G.Prod'homme.</p></div>
L'art de se grimer
http://www.vocalises.net/spip.php?article76 http://www.vocalises.net/spip.php?article76 2005-06-02T22:03:03Z text/html fr Jean-Marc Voici un article tiré d'un Musica de 1912 traitant de l'art de se grimer, qui a bien intéressé un de mes amis chanteur de passage à la maison. Je lui avais promis de le mettre en ligne, ... voilà donc qui est fait ! Par E. Thomas Salignac Est-il, utile, dans un article comme celui-ci, une causerie plutôt, presque une interview, de faire l'historique de l'art de se grimer, de rechercher les origines du mot lui-même : Larousse affirme que « se grimer » signifie « se (...) - <a href="http://www.vocalises.net/spip.php?rubrique12" rel="directory">Histoire</a> <img src="http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L80xH80/arton76-4e61b.jpg" alt="" align="right" width='80' height='80' class='spip_logos' style='height:80px;width:80px;' /> <div class='rss_texte'><p><span class='spip_document_302 spip_documents spip_documents_center' > <img src='http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L150xH51/logo-musica-7-27670.jpg' width='150' height='51' alt="" style='height:51px;width:150px;' /></span> Voici un article tiré d'un Musica de 1912 traitant de l'art de se grimer, qui a bien intéressé un de mes amis chanteur de passage à la maison. Je lui avais promis de le mettre en ligne, ... voilà donc qui est fait !</p> <hr class="spip" /> <p><strong>Par E. Thomas Salignac</strong></p> <p>Est-il, utile, dans un article comme celui-ci, une causerie plutôt, presque une interview, de faire l'historique de l'art de se grimer, de rechercher les origines du mot lui-même : Larousse affirme que « se grimer » signifie « se faire une tête de vieillard ». C'est plutôt inattendu comme définition ; la plus grande partie des acteurs, ajouterai-je, et des actrices, se griment, au contraire, dans l'intention non déguisée de se rajeunir.<span class='spip_document_187 spip_documents spip_documents_right' style='float:right; width:300px;' > <img src='http://www.vocalises.net/local/cache-vignettes/L300xH370/grimage-7ed15.jpg' width='300' height='370' alt="" style='height:370px;width:300px;' /></span></p> <p>Remonterons-nous aux Égyptiens, qui grimaient même leurs momies, et de si indélébiles couleurs qu'après des siècles nos savants en cherchent encore le secret ?</p> <p>Parlerai-je des mimes romains, blanchis à la peau de sèche, des comédiens du xviie siècle, remplaçant la grime par le masque ?</p> <p>Rappellerai-je le goût des Orientaux pour les fards de toute nature, le commerce et les profits que Tyr en recevait, - et les secrets des courtisanes, - et les mignons, etc., etc., jusqu'à Ninon de Lenclos et ses bains de lait ?</p> <p>C'est dix volumes qu'il faudrait pour écrire l'histoire de la grime à travers les âges, c'est l'histoire de l'humanité, tous les peuples y sacrifièrent... et continuent c'est l'art de changer, en bien ou en mal, dans leur forme, leur volume, leur couleur et leur expression, notre corps et, en particulier, notre visage.</p> <p>Or, tous les peuples civilisés usent de cosmétiques et de fards variés pour s'efforcer de masquer les effets de l'âge, des excès de la fatigue, et les peuplades sauvages ont conservé la coutume de se peindre la face et le corps de couleurs éclatantes, pour épouvanter leurs ennemis par la férocité de leur aspect.</p> <p>Laissons de côte toute érudition, d'ailleurs inutile, entrons dans le vif du sujet qui est « l'art de se grimer, au théâtre » et même, ce titre trop général m'effrayant un peu, réduisons-le à vous dire simplement ce que je pense moi-même de cet art et quelle est ma façon de procéder.</p> <p>Avant tout : est-il indispensable de se grimer ? Oui, il est indispensable de se grimer.</p> <p>D'abord à cause de l'éclairage intense des salles de spectacle, qui rend le teint naturel blafard, plombé, horrible en un mot, et nous impose de le relever, de l'aviver par des couleurs factices.</p> <p>En outre, cet éclairage venant plus spécialement de la rampe, c'est-à-dire d'en bas, déplace entièrement les conditions normales de la lumière et, sans les secours du noir, rendrait l'oeil presque invisible. Une autre cause est l'éloignement du public qui nous oblige à marquer d'un cran au-dessus de la réalité, nos gestes et nos jeux de physionomie.</p> <p>A ces différentes causes vient s'ajouter l'obligation d'harmoniser notre teint à l'éclat des costumes et à la luminosité de la décoration.</p> <p>Il faut, en somme, physiquement et artistiquement se transposer un demi-ton au-dessus de la vie normale.</p> <p>A ces deux raisons, d'ordre général, viennent s'ajouter les suivantes, d'ordre plus artistique. Le désir de se rapprocher autant que possible du personnage que l'on représente ; on y arrive généralement en donnant ce qui est aisé, l'impression approximative de l'âge que l'on doit avoir et en laissant à la perruque, au costume et à la pièce, le soin d'expliquer le reste.</p> <p> Mais ce « reste », qui est le côté le plus difficile et le moins connu de l'art de se grimer, exige la connaissance du dessin et quelque psychologie.</p> <p>Je signalerai enfin une quatrième division : celle de la grime, dirai-je, « orthopédique », dont le but consiste à pallier les erreurs ou imperfections naturelles.</p> <p>Ayant, je crois, établi l'obligation de se grimer, je vais décrire comment je m'y prends moi-même il faut commencer par refaire notre peau, c'est-à-dire nous composer un teint frais, vierge d'impuretés et bien uni.</p> <p>Pour cela, je fais d'abord un nettoyage du visage et du cou à la vaseline qui assouplit en outre la peau et la rend plus apte à recevoir sans dommage l'atteinte des ingrédients variés que nous lui préparons.</p> <p>Après essuyage complet, je prends un bâton de grime couleur chair (il y a plusieurs numéros, selon la teinte que l'on désire : clair, châtain ou brun). Je m'en barbouille la figure et le cou, même les yeux, et, avec les doigts, j'étends et régularise la tonalité ; après quoi, j'ai l'air d'une tête de veau. Attendez.</p> <p>C'est le tour du rouge-gras avec lequel nous allons chauffer le tour des yeux et les joues, en évitant toute dureté par une graduation savante.</p> <p>Nous avons introduit un peu de sang dans cette tête informe. Du bleu-gris, plus ou moins foncé, dont nous allons ensuite cerner largement les deux paupières, et du bistre dont nous couvrirons nos sourcils, vont donner nu peu d'intérêt à nos yeux.</p> <p>Il ne faut pas manquer, si l'on joue un personnage jeune, de rosir l'intérieur et le lobe des oreilles.</p> <p>A ce moment le « dessous » de la tête est terminé. Il n'y a plus qu'à le fixer par une équitable distribution de poudre de riz, plus ou moins foncée suivant le teint ; on étend cette poudre au moyen d'un tampon de coton en tapotant légèrement et on enlève le surplus avec la brosse.</p> <p>Il nous faut à présent ranimer les couleurs éteintes par la poudre de riz, la patte de lièvre garnie de rouge en poudre et passée doucement autour des yeux et sur les joues, va les ragaillardir, tandis qu'une nouvelle tournée de bleu cernant les paupières, et de bistre accusant les sourcils, nous rendra une tête encore sans expression, mais déjà vivante, fraîche et jeune.</p> <p>Il n'y a plus maintenant qu'à dessiner les yeux, opération assez difficile. Les fards mis à notre disposition par le commerce sont innombrables autant qu'incommodes pour la plupart ; une estompe de papier et un crayon gras noir ou bleu-noir suffisent à tout : on promène l'estompe sur les cils et sur le bord extrême des paupières. C'est le moment d'agrandir les yeux en élargissant l'angle externe des commissures.</p> <p>Dans l'angle opposé, une pointe de rouge ajoute de l'éclat au regard. L'œil est fini, il est grand, profond et velouté, un oeil d'amoureux !</p> <p>Un peu de rouge, pas trop foncé, sur les lèvres qu'il faut se garder d'amincir, ce qui rendrait antipathique ; un peu de rouge dans les narines, quelques retouches par-ci par-là, et c'est fini, vous n'avez plus qu'à sonner le perruquier.</p> <p>Cette technique, très simple en somme, est la plus employée, surtout chez les chanteurs, côté des hommes.</p> <p>Les dames, elles, sont plus raffinées, fards et cosmétiques sont plus distingués, plus nombreux, de manipulation souvent compliquée et surtout plus chers !</p> <p>J'en connais qui se font coller des faux cils, un par un, et non sans souffrances, à chaque représentation. Je suis convaincu que si elles se servaient des simples crayons gras, de bonne marque, elles s'épargneraient bien du travail, du temps, des ennuis et de l'argent, pour un effet identique.</p> <p>Les comédiens, en général, se griment beaucoup moins que les chanteurs ; cela tient à ce que les salles dans lesquelles ils jouent sont plus petites ; il n'y a pas d'orchestre, l'acteur est très rapproché du, public et joue constamment en costume moderne.</p> <p>Revenons maintenant à notre point de départ : rimés comme je viens de le décrire, nous pouvons impunément affronter la rampe, rien ne sera perdu de nos jeux de physionomie... si nous en avons.</p> <p>Voyons maintenant le côté « artistique » de notre affaire. Notre personnage est-il jeune ou vieux ?</p> <p>S'il est jeune, la technique que j'ai donnée ci-dessus s'applique sans rien changer, s'il est vieux, on trouvera des crayons gras de tons appropriés à toutes les couleurs de peau, - on évitera le rouge autour des yeux, il rajeunit - enlever aussi le bleu des yeux qui leur donne trop d'éclat, le remplacer par du bistre, couleur des paupières fripées ; pas de rouge aux lèvres ; creuser les joues et dessiner quelques rides sur le front.</p> <p>Le moyen rationnel consiste à grimacer, ce qui fait plisser le visage, et à passer l'estompe bistrée dans ces plis qui représentent la place naturelle des rides... futures. Terminer eu creusant le sinus naso-labial et en marquant, sans exagération, la patte d'oie.</p> <p>Si le personnage est très vieux, du blanc dans les sourcils donnera facilement dix ans de plus. Nous arrivons maintenant devant le côté le plus intéressant de l'art du grime.</p> <p>Notre tête est faite, le personnage est vivant, jeune et beau, mais peut-il indifféremment représenter Werther ou Don José ? Existe-t-il des procédés qui, sans le secours des barbes et perruques, puissent éveiller l'idée de la nature intime de notre héros ? Oui, ces procédés existent, mais ils exigent, comme je l'ai déjà indiqué plus haut, de la psychologie et du dessin.</p> <p>Il est indispensable pour cela de savoir quelle est la forme de sourcils qui caractérise les jaloux, quel front est celui des mystiques, quel détail de trait différencie un naïf d'un benêt, et quelle forme de lèvres peut avoir Des Grieux, que ne saurait avoir Werther, etc., etc. C'est toute une science à connaître, « la Physionomie », science bien attrayante mais compliquée.</p> <p>Il ne me reste plus qu'a dire un mot de ma quatrième division que j'ai appelée « orthopédique », terme impropre d'ailleurs.</p> <p>Tout le monde sait qu'avec de la pâte à front ou un morceau de diachyl recouvert de crayon chair on se fabrique un nez admirable ou grotesque, on peut à son gré lui donner la forme préférée, grec, Bourbon, ou pied de marmite ; mais ce qu'on sait moins c'est qu'un habile grime peut obtenir le même résultat avec une estompe et des crayons ; c'est alors la peinture se substituant à la sculpture. On peut aussi dégonfler un visage bouffi ou engraisser un visage maigre.</p> <p>Certains traits sont une gêne permanente pour certaines expressions ; il faut, systématiquement s'en défaire. J'ai connu une superbe falcon à laquelle des sourcils en arc prêtaient constamment une physionomie étonnée.</p> <p>Que d'exemples on pourrait citer d'acteurs obligés de lutter contre leur physique, que de comiques à visage lugubre, que d'artistes dramatiques à visage trop réjoui, que de fossettes gênantes, de mentons trop pointus, etc., etc. !</p> <p>Que de choses l'art de la grime peut cacher et que de choses il peut montrer... qui n'existent pas !</p> <p>Un dernier mot au sujet des photographies des théâtres. Jamais je ne me grime pour me faire photographier : le résultat est toujours déplorable, les conditions n'étant pas les mêmes qu'au théâtre. L'expression seule suffit... et le perruquier !</p> <p>Je terminerai ma trop longue lettre en conseillant à mes jeunes camarades d'étudier très sérieusement l'art de se grimer. (Pourquoi, au fait, ne l'enseignerait-on pas au Conservatoire ?)</p> <p>Que tous les acteurs, chanteurs et comédiens méditent cet axiome :</p> <p>Au théâtre, la tête, c'est la moitié du succès !</p> <p>E. THOMAS SALIGNAC.</p></div>