C?est une belle mise en scène de Robert Carsen de 1993 qui nous est reproposée en ce moment à l?Opéra de Bordeaux pour accompagner une oeuvre majeure de Mozart : Les noces de Figaro sur un livret de Lorenzo Da Ponte d?après Beaumarchais.
J?avais déjà vu la précédente réalisation à Bordeaux en 1993. Si ma mémoire est bonne, c?était déjà très bien.
Cette fois-ci la distribution a changé et c?est avec un bonheur partagé, je crois, avec l?ensemble de la salle, que j?ai pu suivre la générale de ce beau plateau renouvelé.
Bien sûr, l?oeuvre est porteuse, c?est la musique de Mozart, et c?est un des plus beaux opéras qui ait été écrit. Mozart a toutefois besoin d?être servi par l?excellence. Avec cette production il n?aura pas à rougir, là où il est, de ce qui a été réalisé par l?équipe qu?il m?a été donné d?écouter.
J?ai eu à plusieurs reprises et c?est rare, cette sensation de frissons, qui vous parcourt l?échine, quand la musique est belle et qu?elle est jouée avec grâce et équilibre. On en arrive même à avoir les larmes aux yeux.
L?orchestre et son (sa) chef Jane Glover tout d?abord jouaient juste, rien ne débordait, on atteignait la perfection, le génial Mozart semblait être parmi nous.
Côté plateau, saluons en premier lieu, le Comte Almaviva Riccardo Novaro, une présence exceptionnelle et une qualité vocale impeccable. On s?imagine un chanteur avec de la bouteille à le voir évoluer sur scène, en fait c?est un jeune homme que j?ai eu la chance de pouvoir saluer à la sortie des artistes, bravo, impressionnant !
Susanna, Anna-Maria Panzarella aussi était parfaite, elle avait ce qu?il faut de charme, une pétillance dans son interprétation, qui vous fait oublier que les fauteuils du Grand Théâtre sont toujours aussi durs, surtout quand le spectacle totalise trois heures et demi. Figaro, Nicolas Cavallier était aussi d?une belle qualité vocale, même si j?ai trouvé qu?il avait mis un peu de temps à démarrer, saluons son excursion sur le parterre central au milieu du public, effet de mise en scène très apprécié. En résumé un beau gosse, avec une belle voix et un petit côté Alain Delon.
La comtesse, Claire Rutter pour sa part avait tout ce qu?il faut de retenue, de superbes piani. Même si ce n?était pas Elisabeth Schwarzkopf, elle complétait bien ce plateau très homogène.
Chérubino ou plutôt Chérubina, Diana Axentii puisque ce rôle est toujours interprété par une femme a su nous émouvoir par sa jeunesse et son espièglerie, on aurait vraiment dit un jeune garçon de douze, treize ans avec une fraîcheur incomparable dans la voix qui formait un beau couple avec Barbarina interprétée par Khatouna Gadelia.
Enfin, nous arrivons aux seconds rôles qui tiennent malgré tout une place majeure dans cet opéra.
En premier lieu, le jardinier Antonio incarné par David Ortega qui a tenu haut son rang de soliste pour nous interpréter un cul terreux mal dégrossi doublé d?un faux-cul d?une rare vérité et qui a su nous faire partager une interprétation au top niveau mise en valeur par une ligne de chant de très bonne facture. Son jeu de scène était tout bonnement truculent, on en redemande, on devrait voir et entendre plus souvent ces artistes Bordelais comme solistes sur la scène du Grand Théâtre.
En parlant d?artiste Bordelais citons également Olivier Bekretaoui en Don Curzio le notaire, que j?ai également beaucoup apprécié. Ce rôle de ténor assez tendu est fait pour lui, il chante juste et bien. Durant les morceaux d?ensemble, j?ai été impressionné par la manière dont il a réussi à s?inscrire dans l?harmonie d?ensemble.
Voir ces deux artistes issus des choeurs côte à côte sur cette scène prestigieuse de l?Opéra de Bordeaux ajoute encore au sentiment qu?ils méritent mieux que les rôles auxquels on les cantonne habituellement, mais bon c?est une autre histoire... bravo à eux !
Comme j?ai commencé à citer tout le monde, je vais continuer car j?ai aussi beaucoup apprécié Marcellina (Marie-Thérèse Keller) et Bartolo, Luciano Di Pasquale (déjà vu dans la Cenerentola) comme le reste de l?équipe toujours juste et en plus avec la gueule de l?emploi. Enfin citons Don Basilio, Ricardo Cassinelli plus acteur que chanteur, mais du pur bonheur toutefois.
Pour finir avec les solistes, saluons enfin les deux artistes des Choeurs Isabelle Buiret-Fedit et Wha Jin Lee.
Ce fût une très belle soirée, il est comme ça des instants magiques à l?Opéra de Bordeaux où le temps suspend son vol et où l?air que l?on respire semble dégager spiritualité et harmonie, nous avons passé un moment exceptionnel? on en redemande ? encore encore !